mardi, décembre 30

  • Marie-Thérèse Bonfanti, 25 ans, a disparu le 22 mai 1986, à Pontcharra dans l’Isère.
  • En mai 2022, un voisin de la victime a avoué l’avoir étranglée et a été écroué.
  • Il a été finalement été remis en liberté sous contrôle judiciaire en décembre 2023, en raison d’interrogations sur la prescription des faits.
  • La Cour de cassation examine ce vendredi cette question de la prescription.

Une femme qui se volatilise en pleine journée, des années de mystère, un suspect qui finalement passe aux aveux, des ossements de la victime retrouvés sur ses indications et pourtant, un homme mis en examen, écroué, et finalement remis en liberté. Ce vendredi 28 novembre, la Cour de cassation décortique la question de la prescription pour le meurtre de Marie-Thérèse Bonfanti, résolu 36 ans après sa disparition en Isère.

La plus haute juridiction judiciaire débattra d’une question capitale pour nombre de crimes et rendra une décision qui vaudra pour tout cold case : le délai de prescription court-il nécessairement à partir de la disparition inexpliquée de la victime ? 

Le suspect a avoué avoir étranglé la victime

Au cœur de ce dossier, il y a Marie-Thérèse Bonfanti, portée disparue à l’âge de 25 ans le 22 mai 1986, alors qu’elle distribuait des journaux à Pontcharra (Isère). Yves Chatain, qui vivait dans le voisinage, avait été soupçonné puis relâché. Un non-lieu prononcé en 1987 a été confirmé en 1989. L’affaire est devenue un « cold case », crime non élucidé.

Mais le dossier a connu un revirement majeur en mai 2022 avec une nouvelle interpellation d’Yves Chatain, qui a finalement avoué avoir étranglé Mme Bonfanti, à la suite d’une altercation, car elle s’était mal garée, selon lui. Il aurait ensuite caché son cadavre. Sur ses indications, des fragments crâniens de Mme Bonfanti ont été retrouvés en novembre 2022.

Mis en examen pour enlèvement, séquestration et homicide volontaire, puis écroué, Yves Chatain, sexagénaire aujourd’hui, a été remis en liberté sous contrôle judiciaire en décembre 2023, en raison d’interrogations sur la prescription des faits.

La victime a-t-elle été tuée au moment de sa disparition?

Depuis cette mise en examen, la justice débat de manière sinueuse de cette question. La cour d’appel de Grenoble a considéré qu’il n’y avait pas prescription, puis la Cour de cassation s’y est au contraire montrée favorable, avant que la cour d’appel de Lyon (juridiction de renvoi) se prononce à son tour pour maintenir les poursuites.

« Ce qu’on attend de la Cour de cassation, c’est qu’elle élargisse un peu sa jurisprudence sur la question de la suspension de la prescription pour prendre en compte des situations comme celle-ci », explique à l’AFP Me Catherine Bauer-Violas, avocate du camp Bonfanti.

« Ce n’est pas parce qu’une personne disparaît que l’on doit nécessairement suspecter qu’elle a été tuée au moment de sa disparition », résume encore la robe noire. 

Le camp Bonfanti souhaite donc que la prescription parte de la réouverture de l’enquête en 2020 ou des aveux en 2022.

La décision sera mise en délibéré

La défense de l’accusé espère a contrario un point final à ce dossier. « Le meilleur résultat serait une cassation sans renvoi, la Cour de cassation constatant la prescription », indique ainsi à l’AFP Me Hélène Farge. 

Ce conseil du camp Chatain avance qu’en cas d’« infraction dissimulée », la loi dit qu’on ne peut pas engager de poursuite « au-delà de 30 ans » après la commission des faits, jusqu’ici reliée par la défense de l’accusé au jour de la disparition de la victime.

Mais quand les faits ont-ils été commis ? La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon met en avant que l’examen des fragments crâniens de la victime n’a pas permis de déterminer les causes de la mort, ni la date du décès, selon des éléments portés à la connaissance de l’AFP.

Et le parquet général de la Cour de cassation soutient qu’un tel cas « ne peut commencer à se prescrire tant qu’il est ignoré de tous, sauf de son auteur », selon son avis dont l’AFP a eu connaissance et qui se montre donc favorable à un maintien des poursuites.  Le parquet général souligne ainsi la nécessité de e « préserver l’efficacité du dispositif d’élucidation des affaires anciennes, en particulier les disparitions inexpliquées ».

La Cour de cassation siègera pour l’occasion en assemblée plénière, avec 19 magistrats.  La décision devrait être mise en délibéré et rendue début 2026, selon une source judiciaire.

A.S avec AFP

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