mercredi, juin 26

Je suis un enfant du pays depuis quatre générations du côté de mon père, et depuis plusieurs siècles par ma mère, dont la grand-mère était une Kanak de Hienghène. A l’image de beaucoup de Néo-Calédoniens issus de ce métissage et de l’histoire douloureuse de la colonisation, ma famille a vécu pendant de nombreuses années avec la honte de ses origines pénitentiaires. Ce « robinet d’eau sale », tel qu’il était qualifié à l’époque par l’administration française.

Au pays du non-dit, mes ancêtres ne m’ont jamais raconté sa vraie histoire, sans doute pour oublier les raisons qui les ont conduits ici et pour se construire une légitimité, essentiellement à travers le travail et l’oubli. Pendant très longtemps, on nous a caché que l’on faisait partie de ce « robinet d’eau sale », dont les protagonistes ne sont pas restés en Nouvelle-Calédonie par amour mais par obligation, car on leur avait interdit de rentrer dans leurs familles françaises.

Cette histoire cachée est en grande partie la raison pour laquelle, jusqu’aux événements de ce mois de mai, je n’avais pas pris toute la mesure et toute la dimension de la souffrance du peuple kanak auquel je demande solennellement pardon pour mon ignorance. Je n’ai pas honte de mes ancêtres, je ne leur en veux pas, ils avaient sans doute leurs raisons, mais ils ne m’ont pas aidé à comprendre ce pays et son peuple.

« Politique de la canonnière »

Que ne comprennent pas les Néo-Calédoniens au sujet de la revendication indépendantiste ? La « politique de la canonnière », menée après la prise de possession, le 24 septembre 1853, a conduit à la dévastation de villages, à la destruction de maisons et de champs, au massacre des populations, à leur enfermement dans des terres abusivement appelées « réserves », dont elles ne pouvaient sortir que pour accomplir des journées de travail obligatoire, pour lesquelles leur était versé un salaire dérisoire leur permettant de s’acquitter de l’impôt de capitation. Oui, on leur reprenait ce qu’elles avaient gagné par leur labeur.

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En 1863, la France décide de faire de la Nouvelle-Calédonie une colonie pénitentiaire. Ainsi, ce sont environ 30 000 forçats qui y sont amenés. Plus de 85 % d’entre eux n’auront pas le droit de rentrer chez eux, en France. Ils seront libérés sur place.

A côté de ce noyau pénitentiaire, on trouve des colons libres (un millier en 1866, un peu moins de 10 000 trente ans plus tard). C’est le premier acte de la colonisation de peuplement. La première entrave aux grands principes républicains derrière lesquels l’Etat français et ses partisans continuent de se cacher aujourd’hui, pour dissimuler la vérité originelle.

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