mercredi, octobre 9

La numéro un des Ecologistes, native du Pas-de-Calais, est rompue au militantisme contre l’extrême droite, qu’elle combat de longue date sur ses terres, à Hénin-Beaumont. Le parcours de l’autrice des Nouvelles du Front (Les Liens qui libèrent, « Poche », 224 pages, 8,90 euros) lui a permis d’acquérir une forme de résilience, qui l’aide à tenir face à la violence de la vie politique.

Depuis votre engagement en politique, quand avez-vous eu la sensation de payer un prix en matière de santé mentale ?

Mon parcours politique est en fait un continuum de difficultés, il n’y a pas « un » moment en particulier, c’est un peu (beaucoup) tout le temps, en continu, depuis plus de dix ans. Elue d’opposition au Rassemblement national depuis 2014, seule élue écologiste de toute mon agglomération, je me suis construite dans l’adversité, et ce mode de formation est pour beaucoup dans qui je suis politiquement aujourd’hui. J’ai du mal à isoler un exemple précis parce que beaucoup me viennent, et puis ce ne sont pas forcément les moments plus durs en soi qui sont les plus durs pour moi. Je peux absorber d’énormes chocs politiques en mode fluctuat nec mergitur et tout à coup être affectée, des semaines, par quelque chose qui relèverait, vu de l’extérieur, du détail organisationnel. C’est parce que j’ai besoin d’être solide sur mes appuis. Ces choses se travaillent mais ne se maîtrisent jamais totalement.

Cet été, après la dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin, beaucoup de personnes m’ont demandé comment je tenais. Mais, curieusement, ce ne sont pas ces semaines de campagne express qui m’ont paru les plus difficiles, d’abord parce que je savais exactement pourquoi j’étais là et pour quoi faire, ça a été instinctif. Ensuite parce que j’étais dans l’action et que je n’avais même pas le temps d’y penser. Et finalement parce que j’avais la sensation de faire quelque chose d’utile. Ce qui est plus compliqué en politique sur le plan mental, c’est quand on donne beaucoup et qu’on n’a pas la sensation d’être utile. Et pour nos proches, c’est la même chose ! Il faut qu’ils comprennent pourquoi on fait tout cela.

Bien sûr, il y a du sens, mais dans votre livre « Nouvelles du Front », vous décrivez un quotidien d’insultes, d’humiliations, et même de menaces à Hénin-Beaumont, où vous êtes élue d’opposition face à une mairie d’extrême droite. Comment avez-vous appris à tenir ?

Jeune, quand j’ai intégré une prépa littéraire à Lille, à trente minutes du bassin minier du Pas-de-Calais où j’habitais, j’ai d’abord connu le mépris territorial. On m’expliquait que je ne parlais pas français, ce qui était un peu vrai d’ailleurs : enfin, disons que j’avais un accent à couper au couteau. Puis, quand je me suis engagée en politique chez moi, à Hénin-Beaumont, et surtout à l’agglomération où je faisais partie des plus jeunes élus, je me suis confrontée à une hiérarchie par l’âge, par le cumul des mandats… Je n’avais pas d’expérience, pas les codes, beaucoup m’expliquaient que je n’avais pas à prendre la parole, ni en réunion de groupe socialiste auquel j’étais rattachée, ni en séance. Mais j’ai eu l’impression que si je ne sautais pas dans la piscine, si je ne prenais pas la parole, je passerais ma vie politique tétanisée au bord du bassin, que je ne progresserais pas, et donc que je ne serais pas utile, ce qui est tout de même le but quand on est élue.

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