Une charge écrasante pèse sur les épaules des trois juges de la 11ᵉ chambre correctionnelle du tribunal de Paris : Marine Le Pen pourra-t-elle se présenter à l’élection présidentielle de 2027 ? Une partie de la réponse est entre leurs mains, après deux mois du procès des députés frontistes et de leurs assistants au Parlement européen, accusés d’avoir en réalité travaillé pour le parti et d’avoir ainsi détourné 4,5 millions d’euros entre 2004 et 2016.
Le parquet a réclamé, le 13 novembre, contre l’ancienne présidente du Rassemblement national (RN) une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire, c’est-à-dire applicable immédiatement, sans attendre l’inévitable procès en appel ni la cassation. Les deux procureurs sont depuis couverts d’injures et plusieurs pétitions ont été lancées contre une « condamnation injuste », l’une d’elles aurait déjà recueilli plus de 25 000 signatures.
Marine Le Pen, ses 24 coprévenus et le RN, personne morale – si l’on peut dire –, ne seront pas fixés avant le printemps 2025. Leur condamnation, cependant, ne fait guère de doute : les avocats de la défense plaident tous la relaxe, mais Marine Le Pen ne se fait pas d’illusions. « J’ai l’impression qu’à maintes reprises votre opinion était déjà faite », a dit le 5 novembre au tribunal la triple candidate à la présidentielle. L’audience, qu’elle a suivie en grande partie, a en effet chaque jour, et contre l’évidence, été émaillée de dénégations maladroites ou de mensonges éhontés.
« Caractère organisé » des détournements
Les preuves écrites, les courriels rassemblés par presque dix ans d’instruction établissent nettement, comme l’a souligné le parquet, « le caractère organisé, optimisé et systématique » des détournements, pendant cent quarante-six mois, qui n’ont été interrompus que par l’enquête de Bruxelles, « à un moment où le mécanisme allait donner toute sa puissance avec les 24 nouveaux députés » élus aux européennes de 2014.
Il n’y a pas d’emplois fictifs des assistants, ils ont réellement travaillé, proteste la défense. Certes, mais pour le parti. Ils n’ont d’ailleurs pas été remplacés au Front national quand ils sont devenus assistants parlementaires. Et il n’y a pas d’enrichissement personnel des prévenus, maintient la défense. Voire : « les proches de la famille Le Pen », ont souligné les procureurs, dont Yann Maréchal, la sœur de Marine Le Pen, « sa fidèle secrétaire et de jeunes ambitieux » ont bénéficié « d’un train de vie tout à fait confortable ». Louis Aliot, l’ancien compagnon de la présidente, a touché 5 000 euros par mois, pour un mi-temps, pendant trois ans.
Il vous reste 56.81% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.