mardi, juillet 2

Le président kényan, William Ruto, a affirmé, dimanche 30 juin, qu’il n’avait « pas de sang sur les mains » après la journée de manifestations antigouvernementales meurtrière du 25 juin, qui a fait selon lui 19 morts ; un bilan inférieur à ceux donnés par des organisations de défense des droits humains.

Il s’agit du premier bilan officiel donné pour cette journée de mobilisation marquée par la prise d’assaut par des manifestants du Parlement, qui venait de voter un projet de budget 2024-2025 décrié instaurant des hausses de taxes. La police avait alors tiré à balles réelles sur la foule.

Le lendemain, disant avoir entendu la colère, le président avait annoncé le retrait du texte. Ce choix aura « des conséquences [économiques] très lourdes », a averti M. Ruto dimanche. Lors d’une interview de deux heures à la télévision kényane, le président a fait état d’un bilan de dix-neuf morts. « Je n’ai pas de sang sur les mains », a-t-il affirmé, en promettant « une enquête sur la façon dont ces dix-neuf Kényans sont morts ».

Samedi, l’organisation non gouvernementale (ONG) Human Rights Watch a affirmé avoir recensé au moins trente et un morts dans plusieurs villes du pays. La Commission nationale des droits humains au Kenya (KNHRC) avait auparavant évoqué vingt-deux personnes tuées et un groupement d’ONG locales, dont la branche kényane d’Amnesty International, vingt-trois morts « causés par des tirs de la police ».

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« La police a fait de son mieux », a estimé M. Ruto, en réaffirmant que « des criminels se sont infiltrés et ont semé le chaos ». « Ceux qui ont attaqué le Parlement et les institutions judiciaires sont sur vidéosurveillance. Beaucoup d’entre eux sont en fuite, mais nous les attraperons. (…) Tout policier tueur qui est allé au-delà de ce qui est prévu par la loi sera sanctionné », a-t-il ajouté.

Dimanche, quelques centaines de personnes – majoritairement des jeunes – ont marché pacifiquement dans la capitale kényane, Nairobi, en hommage aux victimes du mouvement. Ils ont ensuite déambulé en scandant « Ruto must go » (« Ruto doit partir ») et « Tuesday holiday » (« mardi jour férié »), en référence à la prochaine journée de mobilisation prévue mardi 2 juillet.

« Nous aurions dû mieux communiquer »

Née à la mi-juin sur les réseaux sociaux, cette opposition au projet de budget a fortement mobilisé au sein de la jeunesse, avant d’entraîner dans son sillage des Kényans de tous âges. Le mot d’ordre antitaxes a tourné en contestation contre le président Ruto qui, depuis son arrivée au pouvoir en 2022, a créé et augmenté plusieurs impôts et taxes qui ont durement frappé le pouvoir d’achat des Kényans. Ces mesures douloureuses sont nécessaires, selon lui, pour redonner une marge de manœuvre au pays, lourdement endetté.

Retirer le projet de budget, « cela signifie que nous sommes revenus presque deux ans en arrière et que, cette année, nous allons emprunter 1 000 milliards de shillings [7,2 milliards d’euros] pour pouvoir faire marcher le gouvernement », a-t-il souligné, en évoquant notamment des conséquences négatives dans les secteurs de l’agriculture et l’éducation.

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« Nous aurions dû mieux communiquer » sur le texte, a-t-il estimé : « Si l’on me donne la possibilité d’expliquer au peuple kenyan en quoi consistait le projet de budget et ce qu’il leur aurait apporté, alors les Kényans seraient d’accord avec moi. »

M. Ruto a également répété que des mesures seraient prises pour réduire « l’opulence et l’extravagance » dans le train de vie de l’Etat, se disant prêt à réduire son propre salaire. Le Kenya, l’une des économies les plus dynamiques d’Afrique de l’Est, a enregistré en mai une inflation de 5,1 % sur un an. Sa dette publique s’élève à environ 10 000 milliards de shillings (72 milliards d’euros), soit environ 70 % du produit intérieur brut.

Le Monde avec AFP

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