lundi, octobre 28

Sans surprise, le parti au pouvoir en Géorgie depuis douze ans, Rêve géorgien, dirigé par le milliardaire Bidzina Ivanichvili, a revendiqué la victoire aux élections législatives du 26 octobre avec 54 % des voix. Sans surprise, la Commission électorale a confirmé cette victoire. Sans surprise, l’opposition conteste les résultats. La présidente de Géorgie, Salomé Zourabichvili, a dénoncé une « falsification totale », accusé la Russie et appelé ses concitoyens à manifester lundi soir.

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Cette situation était malheureusement prévisible depuis plusieurs semaines, dans un pays où la démocratie est en recul, où le parti au pouvoir a progressivement pris le contrôle des principales institutions et où la prépondérance écrasante de ses affiches électorales illustrait l’inégalité des moyens dans la campagne.

Ce qui est plus surprenant, en revanche, c’est que le premier ministre hongrois, Viktor Orban, dont le pays exerce la présidence tournante de l’Union européenne (UE) jusqu’au 1er janvier, non seulement félicite publiquement le gouvernement géorgien pour sa victoire avant même la fin du dépouillement, mais décide de se rendre en visite officielle à Tbilissi dès lundi, deux jours après le scrutin contesté, accompagné d’une partie de ses ministres.

L’attitude de M. Orban pose un sérieux problème à Bruxelles et aux autres Etats membres de l’UE. Que les élections géorgiennes n’aient été ni libres ni justes laisse peu de doute : les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, de l’OTAN et de l’UE ont estimé dimanche que le scrutin avait été « entaché par des inégalités [entre candidats], des pressions et des tensions ».

« Mesures symboliques »

Contrairement à M. Orban, aucun leader européen n’a félicité le gouvernement géorgien dimanche ni même reconnu le résultat des élections. Le président du Conseil européen, Charles Michel, a demandé à la Commission électorale de Tbilissi de répondre « rapidement, de manière transparente et indépendante » aux accusations d’irrégularités. Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, a exprimé sa préoccupation sur l’évolution récente de la Géorgie.

C’est donc un défi que leur lance Viktor Orban, qui accueillera le 7 novembre un sommet de la Communauté politique européenne à Budapest – auquel sera convié le premier ministre géorgien – et, le lendemain, un conseil européen. Charles Michel y a inscrit la question géorgienne à l’agenda.

Une semaine après des élections incertaines pour les dirigeants pro-UE de Moldavie, les Européens ne doivent pas laisser le piège géorgien se refermer sur eux. Dans un commentaire très révélateur publié sur l’application Telegram dès le soir des élections en Géorgie, la revue Russia in Global Affairs, proche du Kremlin, estime que les Occidentaux « exprimeront leur déception et prendront des mesures symboliques » mais sont trop occupés ailleurs pour soutenir efficacement la contestation de l’opposition, comme ils l’ont fait lors des « révolutions de couleur », en Géorgie (2003) ou en Ukraine (2004).

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A l’époque, l’Europe, en pleine dynamique d’élargissement aux ex-pays communistes, appuyait les mouvements démocratiques. Aujourd’hui, la Russie est à l’offensive, mène une guerre meurtrière en Ukraine, alimente la désinformation et la corruption en Moldavie et en Géorgie pour les empêcher de rejoindre l’UE. Rêve géorgien a agité, avec succès, la menace d’un affrontement avec Moscou en cas de victoire de l’opposition pro-UE. Si l’Europe perd la Géorgie, ce sera avec la bénédiction de Viktor Orban.

Le Monde

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