vendredi, mai 17

La multiplication des incidents liés à l’application de la loi de 2004 interdisant les signes religieux ostentatoires à l’école doit être l’occasion de rétablir quelques vérités dans un débat qui dérive vers le mensonge et la falsification pure et simple.

Le principe de laïcité a un sens, qui est de proclamer la liberté de croyance et de culte. La loi de 1905 le dit sans ambages : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. » Le moyen d’assurer cette liberté conférée aux individus, c’est la neutralité de l’Etat : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. »

Que l’on comprenne bien : la loi de 1905 affirme que l’Etat est neutre, qu’il ne prend pas parti entre les croyances, qu’il n’adopte ni ne reconnaît aucun culte comme officiel, cela dans le but que les individus puissent affirmer librement leurs croyances et les pratiquer dans la mesure où cela ne porte pas atteinte à l’ordre public matériel, aux intérêts matériels des tiers, à leur liberté, à leur vie, à leurs propriétés.

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La loi de 2004 contredit ce principe de laïcité. Elle le nie en imposant à des élèves – dont certains sont majeurs – de ne pas faire état de leur croyance religieuse dans l’espace scolaire, partie de l’espace public qui doit pourtant appartenir à l’ensemble des citoyens. Car, sinon, que signifie le mot « public » ? Les atteintes à la laïcité ne sont pas le fait de ceux qui contestent la légitimité de cette loi, mais de ceux qui en exigent l’application et qui piétinent ainsi la liberté de conscience : porter un vêtement, quel qu’il soit, ne saurait en aucune manière porter atteinte aux intérêts matériels des tiers.

L’Etat est neutre

Parmi les propos mensongers véhiculés par les personnalités de tous bords qui soutiennent cette loi, trois sont particulièrement dommageables. Le premier prétend que la loi de 2004 se contente d’étendre le principe de neutralité aux individus dans l’espace public scolaire. Cela n’a aucun sens : l’Etat est neutre pour que les individus puissent ne pas l’être, pour qu’ils puissent manifester leur différence en matière religieuse. Lorsque les individus sont ainsi neutralisés, c’est-à-dire lorsqu’il leur est interdit de manifester leurs croyances, l’Etat a, par définition, cessé d’être neutre, car être neutre signifie adopter une attitude impartiale entre des partis différents.

Le deuxième invoque le vivre-ensemble en postulant qu’il n’est possible qu’entre des individus qui ne manifestent pas leurs différences. Rien n’est plus opposé au principe de la laïcité, qui consiste, au contraire, à faire vivre ensemble des individus qui sont différents, qui le disent, qui le laissent voir, mais qui sont précisément appelés à accepter comme relevant de la liberté de conscience la manifestation de croyances différentes des leurs. La laïcité ne suppose pas de rendre les croyances invisibles, mais de leur permettre de coexister en mettant l’Etat et les autorités publiques hors de leur portée et en interdisant à ces mêmes autorités de s’associer à aucune d’entre elles pour discriminer les autres.

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