A première vue, le conflit qui ensanglante depuis trois décennies la région des Grands Lacs, dans l’Est africain, peut apparaître comme un terrain propice à la diplomatie transactionnelle promue par Donald Trump. Cette immense zone déshéritée du Kivu regorge de ressources ultraconvoitées par les Etats-Unis : terres rares, lithium, tantale, coltan… Washington, d’autre part, dispose de solides leviers sur les protagonistes de cette guerre interminable. Celle-ci oppose le Rwanda, petit pays aux succès économiques remarqués mais aux tendances autoritaires et expansionnistes – il intervient militairement chez son voisin sous le couvert du groupe armé Mouvement du 23 mars (M23) –, et la République démocratique du Congo (RDC), immense Etat à la dérive et presque dépourvu d’infrastructures, dont la capitale, Kinshasa, est distante de plus de 1 500 kilomètres de la zone du conflit.
En se félicitant, en juin, de la conclusion, à Washington, du « merveilleux traité » censé mettre fin au conflit, Donald Trump ne cachait pas son ambition : obtenir « beaucoup de droits miniers » en RDC. L’image de « faiseur de paix » que cherche à se forger le président américain masque à peine ses visées sur les industries extractives, qui sont précisément l’un des enjeux du conflit RDC-Rwanda, ce dernier cherchant à contrôler l’Est congolais afin de capter les productions à son profit.
Mais le Rwanda, dont le modèle de développement repose sur une réputation internationale de stabilité et de climat propice aux affaires – notamment américaines – dans une région chaotique, qui souhaite devenir un pôle régional de transformation des minerais, et dont les principales entreprises sont liées à l’Etat, est sensible aux pressions de Washington. Des sanctions américaines lui ont d’ailleurs été appliquées lorsque, au début de l’année 2025, le M23 s’est emparé des villes congolaises de Goma et de Bukavu.

Un épisode récent reflète la sensibilité du régime rwandais de Paul Kagame : le 10 décembre, six jours après avoir signé l’accord de paix de Washington, Kigali a relancé son offensive et pris le contrôle de la ville stratégique d’Uvira, dans le Sud-Kivu, avant d’être contrainte de s’en retirer au moins partiellement sous la pression américaine. Les Etats-Unis, qui entendent regagner des positions perdues au profit de la Chine, ne veulent pas se laisser déborder.
Ce lien incertain entre pressions commerciales et logique de paix se heurte cependant à l’impéritie de l’exécutif de la RDC, dirigé par Félix Tshisekedi, et au fait que les régions minières convoitées, en pleine insécurité, échappent à son contrôle. L’influence américaine bute également sur l’imprévisibilité de Paul Kagame, dont les vues sur les ressources minières de son voisin se doublent d’une inquiétante rhétorique s’appuyant sur l’histoire précoloniale pour en revendiquer le contrôle.
Si la démarche de Donald Trump semble mue surtout par son orgueil démesuré et de cyniques intérêts miniers, il est difficile d’ignorer qu’elle a permis de sortir d’une situation d’affrontement bloquée et largement ignorée. Entre ce désir de paix affiché et une politique commerciale et de visas hostile à l’Afrique, le président des Etats-Unis envoie des messages contradictoires, alors que la RDC et le Rwanda ont besoin d’une puissance tierce pour arbitrer leurs multiples conflits. Il serait dramatique que, pour Washington, ces différends sanglants ne soient que l’objet d’une éphémère fanfaronnade présidentielle.




