C’est l’idée à la mode, à Bruxelles comme à Washington : l’Amérique s’envole ; l’Europe décroche. Ce leitmotiv est repris jusque dans la désormais célèbre stratégie de sécurité nationale de la Maison Blanche. « L’Europe continentale a vu sa part dans le PIB mondial baisser – passant de 25 % en 1990 à 14 % aujourd’hui – en partie à cause de réglementations nationales et transnationales qui sapent la créativité et l’esprit d’entreprise. »
Les partis conservateurs européens relaient cette antienne pour exiger dérégulations et baisses de prélèvements obligatoires : fin du Green Deal, remise en cause du devoir de vigilance pour les multinationales, abandon de l’impôt minimum sur ces dernières. L’ambassadeur américain auprès de l’Union européenne a entonné à son tour ce refrain la semaine dernière, prétendant que les Etats américains les plus pauvres, comme le Mississippi ou la Virginie-Occidentale, jouiraient désormais d’un niveau de vie supérieur à celui de l’Allemagne.
Tout cela, cependant, se fonde sur pas grand-chose. L’idée d’une sclérose européenne face à un supposé eldorado américain, soubassement de l’offensive dérégulatrice qui triomphe ces jours-ci à Bruxelles, repose sur trois mythes.
Le premier : celui d’une croissance américaine qui s’envolerait. De prime abord, les statistiques semblent donner crédit à cette hypothèse : le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis – c’est-à-dire la valeur de la production réalisée sur le sol américain – semble augmenter plus vite que celui de l’Union européenne depuis quinze ans. En réalité, c’est d’abord parce que la population croît plus rapidement en Amérique. Mais, surtout, cette croissance est annihilée par l’explosion du coût de la vie outre-Atlantique, phénomène-clé de la vie économique et politique américaine contemporaine. Lors de sa campagne de 2024, Donald Trump avait réussi à exploiter la colère provoquée par cette envolée. N’ayant pas réussi à faire baisser les prix comme il l’avait promis, celle-ci se retourne désormais contre lui et fait plonger sa popularité.
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