Des déclarations qui font froid dans le dos. Et rappellent des temps que l’on espérait révolus. En ouverture d’une conférence des 191 pays signataires du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) ce lundi, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est montré plus qu’alarmiste : «L’humanité est à un malentendu, une erreur de calcul, de l’anéantissement nucléaire», a-t-il mis en garde, estimant qu’un tel «danger nucléaire n’a pas été connu depuis l’apogée de la guerre froide». Rien que ça.
Décrivant des crises qui «s’enveniment, avec des tonalités nucléaires», du Moyen-Orient à la péninsule coréenne et à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’ancien Premier ministre portugais a largement exprimé ses craintes d’une escalade : «Nous avons été extraordinairement chanceux jusqu’à présent. Mais la chance n’est pas une stratégie ni un bouclier pour empêcher les tensions géopolitiques de dégénérer en conflit nucléaire. […] L’humanité est en danger en oubliant les leçons de l’embrasement terrifiant d’Hiroshima et Nagasaki.» Cette inquiétude est partagée par l’Argentin Gustavo Zlauvinen, le président de cette conférence qui se tient jusqu’au 26 août au siège des Nations unies à New York. Ce dernier estime que «la menace posée par les armes nucléaires» est «revenue au même niveau que pendant la Guerre froide».
«Une guerre nucléaire ne peut pas être gagnée»
Les deux hommes appellent à «éliminer les armes nucléaires», seule solution selon eux pour s’assurer qu’elles ne soient jamais utilisées. «Près de 13 000 armes nucléaires sont stockées dans les arsenaux à travers le monde. A un moment où les risques de prolifération grandissent et les garde-fous pour prévenir cette escalade faiblissent», a rappelé Antonio Guterres. Le TNP, dont les parties examinent le fonctionnement tous les cinq ans, vise à empêcher la propagation des armes nucléaires, favoriser un désarmement complet et promouvoir la coopération pour l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. Mais lors de la dernière conférence d’examen en 2015, les parties n’avaient pas pu parvenir à un accord sur les questions de fond.
Début janvier, avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les cinq membres du Conseil de sécurité de l’ONU (Etats-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni et France), également puissances nucléaires, s’étaient engagées à «prévenir la poursuite de la dissémination» des armes atomiques, juste avant un nouveau report de la conférence d’examen. Lundi 1er août, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont réaffirmé cet engagement dans une déclaration commune, martelant qu’«une guerre nucléaire ne peut pas être gagnée et ne doit jamais avoir lieu». Les trois pays ont également pointé du doigt le Kremlin, l’appelant à respecter ses engagements internationaux. «Suite à l’agression non provoquée et illégale de la Russie contre l’Ukraine, dénoncent-ils, nous appelons la Russie à cesser sa rhétorique nucléaire et son attitude irresponsable et dangereuse.»
En réponse aux demandes faites à l’ONU, Vladimir Poutine s’est à son tour prononcé contre tout conflit nucléaire. «Nous partons du principe qu’il ne peut y avoir de vainqueurs dans une guerre nucléaire et que cette dernière ne doit jamais être déclenchée», a-t-il indiqué dans un message adressé aux participants de la conférence. Une prise de position contraire aux multiples menaces d’utiliser l’arme atomique faites par le président russe depuis le début de la guerre. Enfin, Joe Biden a de son côté appelé la Russie et la Chine à entamer des pourparlers sur le contrôle des armements nucléaires. Il a redit que son administration était prête à «négocier rapidement» un remplacement de New Start, le traité plafonnant les forces nucléaires intercontinentales aux Etats-Unis et en Russie, qui doit expirer en 2026.
Mise à jour à 21 h avec l’ajout du message de Vladimir Poutine adresse à l’ONU.