dimanche, juin 30

POLITIQUE – Il est toujours périlleux de convoquer l’histoire. D’autant plus lorsqu’il est question de l’instrumentaliser à des fins politiques. Marine Le Pen vient d’en faire l’expérience, alors que Jordan Bardella promet la fin du droit du sol en cas de victoire aux élections législatives le 7 juillet.

Sur le réseau social X, la cheffe de file du RN s’est insurgée contre ceux qui – comme Le HuffPost en autres — rappellent que le dispositif est hérité du XVIe siècle, et que sa suppression constituerait une rupture majeure dans la philosophie du droit français.

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« Nouvelle fake news : “le droit du sol date de 1515. Non, le décret de 1515 ne visait que… l’héritage. Notre version du droit du sol date de 1889, et avait pour seul but de garantir que les enfants d’immigrés, italiens notamment, puissent être appelés au service militaire et mobilisés pour une revanche contre l’Allemagne. Il n’y a donc que 130 ans et pour une raison que la gauche va avoir du mal à reprendre à son compte », a-t-elle affirmé ce jeudi 27 juin.

« Double inexactitude »

Une vision très partielle de l’histoire que Patrick Weil, politologue et historien spécialiste du droit des immigrés, a corrigée sur le même réseau social, pointant une « double inexactitude » commise par Marine Le Pen. « Avant la Révolution, c’est toujours à l’occasion d’héritage que se déterminait la définition de la qualité de Français. C’est un arrêt du Parlement (tribunal de Paris) en 1515 qui crée le simple droit du sol », a répondu le chercheur, qui a un temps milité à gauche.

Et le spécialiste de poursuivre : « Depuis 1791, le droit du sol est dans la Constitution ou dans la loi. En 1889, il est renforcé, non pour fournir des soldats, mais pour imposer l’égalité devant le service militaire et pour assurer notre souveraineté menacée par des enclaves étrangères en Algérie et dans le Sud-Est ».

N’en déplaise à Marine Le Pen, la suppression de ce pilier républicain tourne effectivement le dos à des siècles de tradition. Ce que fait remarquer par ailleurs Serge Slama, professeur de droit public à l’Université de Grenoble. Sur le même réseau social, il souligne que Raymond Boulbès, « qui a rédigé le code de la nationalité pour de Gaulle » à la Libération considérait que droit du sol et droit du sang étaient indissociables dans un régime républicain. Ce qui donne, dans le texte « la qualité de Français, une fois établie définitivement – qu’elle trouve son origine dans le jus sanguinis ou dans le jus soli –, est et demeure indivisible ».

Dans une tribune publiée par Le Monde le 22 juin Patrick Weil alertait sur le changement de paradigme que cette mesure induirait : « ce droit du sol républicain, progressif et conditionnel, est tellement au fondement de notre identité nationale que même le régime de Vichy l’a maintenu dans le projet de réforme de la nationalité qu’il avait préparé ». En cas de victoire le 7 juillet, Jordan Bardella compte aller bien au-delà.

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