mardi, octobre 22

Sur les réseaux sociaux, des stars américaines, comme Elon Musk ou Oprah Winfrey, louent les mérites du Wegovy.
Ce nouveau traitement amaigrissant est disponible depuis quelques jours en France et promet une perte de poids de 15 % en quelques mois.
Mais qu’en est-il vraiment ?
Le magazine Sept à Huit a mené l’enquête.

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Sept à huit

« Bon alors, est-ce que vous avez envie de perdre du poids ? », interroge le médecin, sourire en coin, dans le reportage ci-dessus. « Je ne demande que ça ! », répond Imane. C’est l’une des premières patientes françaises à se faire prescrire le nouveau médicament vedette contre l’obésité, le « Wegovy » . La jeune femme pèse 91 kilos pour 1,59 mètre. Son indice de masse corporelle est supérieur à 27, elle est donc éligible au traitement. « Ce médicament va ralentir le fonctionnement de votre estomac. Il diminue l’appétence et il augmente la satiété », lui explique le professeur Chouillard qui la suit à l’Hôpital Américain depuis quatre ans. Face à ce traitement miracle, Imane s’interroge : « À votre avis, je peux perdre combien ? », lui demande-t-elle. Prudent, le professeur lui assure qu’elle va « perdre ce qu’il faut » pour « vivre mieux » et pour que « sa qualité de vie s’améliore ».

En France, seuls les médecins spécialistes de la lutte contre l’obésité peuvent prescrire ce traitement qui a un coût : 310 euros pour un mois. En outre, il n’est pas encore remboursé par la Sécurité sociale, mais Imane, employée d’usine, place en lui tous ses espoirs. « Ça fait longtemps que j’essaie avec d’autres moyens de perdre du poids et là, j’étais arrivée au bout », dit-elle. Il est rare qu’un tel médicament nourrisse autant d’espoirs, mais sa sortie a fait la une de l’actualité. Tandis que le monde scientifique parle d’avancées thérapeutiques sans précédent. Mais que sait-on de cette molécule prétendument miracle ? 

Je n’aurais jamais imaginé voir ce point apparaître un jour sur la balance. Avant, il y avait un message d’erreur qui s’affichait, car je pesais trop lourd.

Nick, un patient américain

Pour le savoir, le magazine Sept à Huit est parti aux États-Unis où ce traitement est disponible depuis trois ans. Là-bas, 40 % de la population souffre d’obésité. L’équipe de journalistes a rencontré un couple, Jake et Nick, qui depuis un an et demi guérit main dans la main. « Nous avons enfin réussi à briser ce que nous pensions être une fatalité. Nous pensions être condamnés à être obèses », assurent-ils. Même s’ils ne sont pas encore arrivés au bout du chemin, ils ont déjà perdu respectivement 58 et 75 kilos. Cet instituteur en maternelle et ce graphiste avaient tous les deux atteint le stade de l’obésité morbide.

Aujourd’hui, Nick, 33 ans, pèse 131 kilos. « Je n’aurais jamais imaginé voir ce point apparaître un jour sur la balance. Avant, il y avait un message d’erreur qui s’affichait, car je pesais trop lourd. Pendant un certain temps, je ne savais même pas combien je pesais. Je sais juste que c’était plus de 200 kilos », raconte-t-il, ajoutant : « Le quotidien devenait de plus en plus pénible : attacher mes lacets, me lever le matin, faire la vaisselle (…) Je suis professeur des écoles en maternelle et je n’arrivais plus à suivre mes élèves, à m’asseoir avec eux par terre. Je savais qu’il fallait que quelque chose change ».

TF1

Deux laboratoires se partagent le marché, l’un américain, l’autre danois. Ces coupe-faim fonctionnent de la même manière. Ils sont administrés par injection et sont dérivés de médicaments contre le diabète. Aux États-Unis, ces traitements coûtent 1 300 euros par mois, mais Jake et Nick ont une mutuelle qui les prend en charge. Aujourd’hui, le couple surveille son apport en protéines, en fruits et légumes et ne grignote plus. Mais les deux hommes ont souffert d’effets secondaires du traitement : maux de tête, constipation, nausées. « Le pire effet secondaire possible avec ce traitement, c’est d’avoir une paralysie de l’estomac. Et c’est extrêmement rare. Je préfère risquer ça plutôt que de mourir d’une crise cardiaque à 35 ans », admet Jake. 

Une perte de poids brutale

Aux États-Unis, un adulte sur huit a déjà testé ce nouveau médicament, soit 30 millions d’Américains. L’équipe de Sept à Huit s’est ensuite rendue au sein d’un des plus grands hôpitaux du pays, la Cleveland Clinique, dont le service obésité est une référence avec plus de 20.000 patients par an. Ces médicaments ont révolutionné le travail du docteur Gribler, le chef du service, depuis six ans. Debbie, une de ses patientes, 68 ans, pesait 95 kilos il y a deux ans. Elle a déjà perdu près de 30 kilos. En règle générale, les patients perdent en moyenne entre 15 et 20 % de leur masse corporelle en un an. « Nous pensions que le problème venait du ventre, en fait, il vient du cerveau. On a des récepteurs dans notre cerveau connectés à notre ventre, et quand on souffre d’obésité, notre cerveau nous dit : ‘mange !’, alors que notre ventre n’a pas faim. Donc ces médicaments agissent sur notre cerveau pour qu’il nous dise : ‘non, ne mange pas, tu n’as pas faim, tu as déjà mangé' », explique le docteur Gribler.  

Mais il prévient : « On ne va pas prescrire ce médicament juste pour deux ou trois mois, pour des raisons esthétiques ou par exemple parce que vous avez un mariage de prévu, car vous reprendrez vos kilos après. Pour l’instant, on ne sait pas s’il est possible d’arrêter ce traitement », assure-t-il. De plus, la perte de poids est si brutale qu’il faut la surveiller. Pour ce faire, des diététiciens s’assurent que les patients ne souffrent pas de soudaines carences et un médecin supervise des exercices physiques. Grâce à une machine italienne dernier cri, il vérifie que les patients perdent du gras et non du muscle. « Quand le corps est en déficit de calories, il brûle d’abord les muscles pour récupérer de l’énergie », avance-t-il. Debbie voit aussi une psychologue qui accompagne son changement d’apparence. 

Ces résultats sans précédent enflamment les réseaux sociaux avec des hordes d’influenceurs sous perfusion de cette nouvelle potion qui crient au miracle et qui exhibent des pertes de poids record. Leur hashtag de ralliement : Semaglutide, le nom du principe actif de ce médicament. Conséquence, aux États-Unis, les dérives se multiplient. Les instituts de médecine esthétique, flairant un business juteux, se sont ainsi emparés du phénomène. Et pour s’assurer une large clientèle, certains n’hésitent pas à assouplir les critères d’attribution officielle du médicament avec des patients ayant un indice de masse corporelle inférieur à 27. En outre, le produit injecté n’est pas le médicament original. C’est une copie facturée 230 euros par mois, ce qui est loin des 1.300 euros du traitement danois. 

De plus, comme le médicament officiel est régulièrement en rupture de stock, la loi autorise certaines pharmacies à fabriquer des copies avec la même molécule. Ces pharmacies ont créé un marché parallèle qui brasse des fortunes et fonctionne de manière totalement dérégulée. Pourtant, ces copies nécessitent, elles aussi, une prescription médicale. En réalité, n’importe qui peut s’en procurer. 


Virginie FAUROUX | Reportage : Julie Dulac et Tony Casabianca

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