samedi, mai 4

Les chimpanzés n’ont pas de drones, mais ils font aussi la guerre. L’Ouganda a connu, de 1999 à 2008, une vingtaine de raids meurtriers qui ne figureront dans aucun livre d’histoire. Ni armée régulière ni milice, les auteurs de ces attaques venaient d’une communauté de cent cinquante chimpanzés. L’objectif de ces assauts ? « Un lien de causalité entre les agressions mortelles et l’expansion territoriale peut être établi maintenant que les chimpanzés de Ngogo utilisent la zone autrefois occupée par certaines de leurs victimes », concluaient les trois auteurs de l’étude, parue dans la revue scientifique américaine Current Biology en juin 2010.

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Le groupe a ainsi pu étendre son territoire de 22 %, confirmant une hypothèse déjà émise, notamment, par la célèbre primatologue Jane Goodall : les chimpanzés mèneraient bien des batailles territoriales. Des batailles ou des guerres ? L’article de Current Biology n’emploie pas ce mot, avançant seulement que « la question de savoir si l’agression intergroupe des chimpanzés peut être utilisée pour comprendre les origines et les causes de la guerre restera probablement sans réponse ».

Cette prudence manifeste la grande sensibilité d’un débat qui touche aux fondements de l’humanité : notre espèce est-elle intrinsèquement violente, au point que la guerre soit le propre de l’homme ? La question traverse les différentes sciences naturelles et sociales, de l’éthologie à l’archéologie et à l’anthropologie, traçant à chaque fois une même frontière. Cette dernière délimite deux grandes positions, celle des « faucons » et celle des « colombes », qui s’inscrivent dans les pas de deux grands modèles philosophiques : celui d’un état de nature caractérisé par la guerre de tous contre tous, évoqué par Thomas Hobbes, et celui du bon sauvage de Jean-Jacques Rousseau.

« Les colombes sont les représentants du courant rousseauiste, selon lequel l’homme est naturellement pacifique et la guerre n’aurait émergé que tardivement dans l’histoire de l’humanité », tandis que les faucons appréhendent l’humain comme « naturellement agressif » et seulement « domestiqué » par la civilisation, résume l’anthropologue Bruno Boulestin, dans un article paru en 2020 dans la revue Paléo. Pour ce chercheur à l’université de Bordeaux, une telle controverse recoupe la division fondamentale qu’est « l’éternel conflit entre nature et culture, entre biologique et social. Faucons et colombes, ce sont avant tout deux vues opposées de l’humanité. »

Propension à la violence héritée

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