mercredi, octobre 23

La question du changement climatique occupe plus de place dans le débat public, mais les discussions sur le sujet restent difficiles. Comment parler du climat sans ennuyer et sans renoncer à la complexité ? Faut-il rassurer les individus ou, au contraire, les effrayer pour les mobiliser ? Comment répondre aux contre-vérités entendues parfois ?

L’ingénieur Jean-Marc Jancovici, président du think tank The Shift Project, apporte des réponses dans l’épisode du podcast « Chaleur humaine », diffusé le 28 mai 2024 sur Lemonde.fr. Retrouver ici tous les épisodes du podcast et cliquer ici pour s’inscrire à l’infolettre Chaleur humaine.

Qu’est-ce qui a changé, ces vingt dernières années, dans la compréhension qu’ont les gens du climat ? Avez-vous l’impression qu’on a progressé ?

Ce qui est certain, c’est qu’il y a désormais très peu de gens dans ce pays qui n’ont jamais entendu l’expression « gaz à effet de serre », ou, plus généralement, qui n’ont jamais entendu parler du réchauffement climatique. En matière de « bruit ambiant », c’est évident que l’on a progressé. Le sujet se retrouve, par exemple, dans les discours présidentiels. Dans celui d’Emmanuel Macron en avril 2024 à la Sorbonne, le mot « décarbonation » est répété sept fois – c’est quelque chose qu’on n’entendait pas auparavant. Donc, dans les discours, l’occurrence est devenue beaucoup plus importante.

Est-ce que, pour autant, dans les cervelles, il y a une meilleure compréhension de ce qui se passe, une meilleure mise en perspective du problème et une meilleure compréhension des implications ? Je ne sais pas. Je ne peux pas prétendre être un thermomètre à moi tout seul. Le seul thermomètre qui existe à large échelle, ce sont les sondages. Or, malheureusement, dans ces enquêtes, la réponse est souvent dans la question. Je peux donner un exemple : « Etes-vous prêt à faire tel effort ? », ce n’est pas la même question que : « Etes-vous prêt à faire tel effort si tout le monde le fait ? » C’est très difficile de savoir où en est exactement la population dans son ensemble. On a progressé, ça, oui. De combien exactement ? Je ne sais pas. Est-ce qu’on a progressé suffisamment vite face au problème ? La réponse est non.

Ce qui a progressé, c’est quand même qu’il y a aujourd’hui moins de climatosceptiques qui nient l’existence du changement climatique. Le constatez-vous aussi dans les travaux de vulgarisation que vous menez ?

Là où le climatoscepticisme a fortement diminué, c’est au sein de la classe dirigeante, en France. Par contre, dans la population dans son ensemble, il y a toujours un paquet de climatosceptiques. D’une certaine manière, même à 4 °C de réchauffement global, il y en aura toujours ! Parce que le déterminant du climatoscepticisme n’est pas une contestation du dossier scientifique. Pour moi, c’est d’abord une expression de désarroi. C’est le vieux proverbe Shadok : « S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème. » C’est une façon de répondre à une angoisse en disant : « Ce truc-là, si c’est vrai, c’est monstrueux, je vais devoir tout changer, je ne vois pas où je vais, je vais me retrouver tout seul, etc. » Si on pense cela, il vaut mieux se dire que le problème n’existe pas.

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