mercredi, mars 19

« Chapeau. C’est une sacrée expérience ! », salue Benoît Deveaud, physicien en retraite de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse), devant le travail de ses confères publié le 5 mars dans la revue Nature. Il aurait aussi pu dire « super-expérience », car celle-ci décrit un nouveau matériau de la famille au préfixe adoré des physiciens, « super ».

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On connaît les superconductors (supraconducteurs, en français), dans lesquels la résistance électrique disparaît et où le courant circule sans fin. Il y a aussi les superfluides, comme l’hélium à très basse température, indispensables aux appareils d’IRM, et qui coule sans viscosité. Et puis il y a, comme dans ce dernier article, les supersolides, de la matière organisée comme dans un cristal, mais qui peut couler comme un liquide. Si bien que si deux supersolides se croisent, ils continuent leur chemin comme si de rien n’était en se traversant. « Comme ces danses japonaises où deux groupes synchrones passent l’un dans l’autre sans se toucher », image Benoît Deveaud.

De telles configurations étranges sont observées depuis plusieurs années. En 2017, deux équipes indépendantes, suisse et américaine, réalisent le premier superfluide artificiel, avec des atomes ultrafroids qui condensent dans cet état particulier. Puis, en novembre 2024, une équipe autrichienne d’Innsbruck, en concentrant encore plus d’atomes, parvient à créer un supersolide en observant une organisation spatiale des atomes, preuve de la « solidité », et aussi des tourbillons, preuves de la « fluidité ». La nouveauté et l’intérêt du dernier supersolide présenté sont qu’il n’est pas fait d’atomes, mais de grains de lumière, les photons, montrant ainsi que la lumière peut muter en cristal et couler…

Augmenter les forces entre polaritons

L’équipe internationale qui a réalisé ce petit bijou n’a pas taillé directement des photons, mais des polaritons, un mélange de grains de lumière et d’excitations électromagnétiques, cousines des électrons, circulant dans un matériau semi-conducteur. Pour cela, la lumière est confinée dans un très mince espace, quelques micromètres, servant de guide d’ondes et dans lequel sont percés des puits quantiques, qui eux piègent les électrons. Cette configuration particulière fait se mélanger les photons et les électrons (appelés ici excitons) pour obtenir une chimère, mi-matière, mi-lumière : un polariton, qui emprunte ses propriétés à ses deux « parents ». Par exemple, alors que des photons n’interagissent pas entre eux, les polaritons, via leur moitié électronique, le peuvent.

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