Dédiée à la mémoire de Bernard Pivot, écrivain et présentateur de télévision disparu lundi 6 mai à 89 ans, la cérémonie des Molières a mis à l’honneur, lundi soir, Francis Huster et récompensé notamment les pièces de théâtre Le cercle des poètes disparus, ainsi que 4 211 km d’Aïla Navidi, qui évoque l’exil d’une famille iranienne. Mais cette 35e édition a aussi été marquée par plusieurs prises de position politiques et sociétales.
Tout d’abord contre les coupes budgétaires qui affectent le monde de la culture. « Merci à tout le monde sauf à Mme la ministre ! », a ainsi lancé la maîtresse de cérémonie, l’humoriste Caroline Vigneaux, sous les yeux de Rachida Dati présente dans la salle des Folies Bergère. « Vous nous récupérez les 204 millions d’euros [en moins sur le budget de la culture], vous ne touchez pas à l’intermittence. Et on vous libère à temps pour la mairie de Paris ! », a-t-elle ironisé. Un comédien de la CGT spectacle a lui aussi mis en garde contre « les compagnies de théâtre (…) en faillite, des dizaines de milliers d’emplois (…) menacés ». « C’est un plan de licenciement massif qui ne dit pas son nom ».
La ministre de la culture, Rachida Dati, n’a pas pris la parole, mais avait posté une vidéo en début de soirée dans laquelle elle a assuré que « le régime de l’intermittence (…) doit être préservé ». Elle a aussi prôné davantage de « collaborations » entre théâtre public et privé. Les conclusions d’un rapport sur le sujet sont attendues dès cet été.
Molière d’honneur pour Francis Huster
Ces Molières ont également été l’occasion d’un soutien du spectacle vivant à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, via la diffusion d’un trombinoscope géant sur lequel on pouvait lire « Vous n’êtes pas seul.es ». Hasard de calendrier, ce lundi était le jour où était révélée la mise en examen du dramaturge et écrivain Pierre Notte, plusieurs fois nommé à cette cérémonie par le passé, pour le viol de l’un de ses anciens élèves de théâtre au lycée de 2004 à 2005, qu’il réfute en arguant d’une véritable « histoire d’amour » avec l’adolescent.
En recevant un Molière d’honneur, Francis Huster, 76 ans, a loué « les vraies héroïnes » des pièces de Molière, ses personnages féminins, dans une tirade qui lui a valu une ovation debout. Et de citer « Agnès, Elvire, Armande, Célimène, Toinette, Nicole, Dorine » qui ont osé « dénoncer et triompher de ces lâches, Tartuffe violeur, hypocrite Orgon, Arpagon avare pervers, Jourdain obsédé par le fric et le sexe, Arnolphe prédateur pédophile, Argan détraqué et jusqu’à Dom Juan tueur sans remords ».
L’humoriste Sophia Aram, qui a reçu le Molière de l’humour, a évoqué le conflit au Proche-Orient entre Israël et le Hamas. « Si nous appelons tous ici à un cessez-le-feu, comment être solidaires des milliers de civils morts à Gaza sans être aussi solidaires des victimes israéliennes ? », a-t-elle lancé.
Appel à libérer le rappeur iranien Toomaj Salehi
Du côté des récompenses, la pièce 4 211 km d’Aïla Navidi, qui raconte l’exil d’une famille iranienne et son combat pour la liberté, a été distinguée à deux reprises : meilleur spectacle du théâtre privé et Molière de la révélation féminine. L’occasion pour la metteuse en scène et l’actrice Olivia Pavlou Graham d’appeler à libérer le rappeur iranien Toomaj Salehi condamné à mort dans son pays.
Nommée six fois, la pièce Le cercle des poètes disparus, inspirée du film américain de Peter Weir (1989) avec Robin Williams en professeur anticonformiste, a, elle, reçu deux récompenses : meilleure mise en scène et révélation masculine pour Ethan Oliel.
Vincent Dedienne a reçu le Molière du meilleur comédien dans un spectacle de théâtre privé pour Un chapeau de paille d’Italie. Côté théâtre public, c’est Micha Lescot (Richard II), qui a obtenu le prix.
Le Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre privé a été décerné à Cristiana Reali pour Un tramway nommé désir. Le Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre public est revenu à Vanessa Cailhol pour Courgette qui était nommée sept fois.
