jeudi, octobre 31

Le Sommet de la francophonie à Villers-Cotterêts (Aisne), qui a eu lieu les 4 et 5 octobre, a ravivé une question ancienne : celle du rapport entre les langues et les sciences. On me dit souvent que cela n’affecte pas les mathématiques, car leurs textes ne seraient que de longues suites de formules, supposées universelles et indépendantes de la langue. C’est ignorer un fait essentiel : un article constitué uniquement de formules serait incompréhensible pour un être humain, et donc inutile.

Certes, en 1910, Alfred North Whitehead et Bertrand Russell ont publié Principia Mathematica, une œuvre monumentale où, à quelques exceptions près, seules des formules mathématiques se succèdent. La démonstration de 1 + 1 = 2 n’apparaît qu’à la page 89 du deuxième volume, le premier comptant déjà 696 pages.

Une des rares phrases en langage naturel, en anglais, est celle qui suit cette démonstration : « The above proposition is occasionally useful » (« La proposition ci-dessus est parfois utile »). Un trait d’humour britannique. Mais je ne connais personne qui ait réellement lu ce livre. Les textes mathématiques, pour être intéressants, doivent rester lisibles. Ce qui implique une part d’implicite, voire de l’usage de termes non définis ou polysémiques, que le lecteur serait capable de comprendre dans le contexte.

Représentations visuelles

En 1623, Galilée décrivait les mathématiques comme une véritable langue, indispensable pour comprendre le monde : « La philosophie est écrite dans cet immense livre toujours ouvert devant nos yeux, l’Univers. Mais on ne peut le comprendre sans d’abord apprendre sa langue et connaître ses caractères. Il est écrit en langage mathématique, avec des triangles, des cercles et d’autres figures géométriques, sans lesquels il est humainement impossible de saisir un seul mot. Sans cela, c’est une errance vaine dans un labyrinthe obscur. »

Lire aussi (2013) | Article réservé à nos abonnés Les maths, nouvelle langue morte ?

J’aime cette idée selon laquelle pour comprendre quelque chose, on peut s’appuyer sur des représentations visuelles. Lorsqu’on lit une démonstration en géométrie, même élémentaire, les figures sont-elles des illustrations du texte ou bien le texte sert-il à expliquer les figures ? Il faudrait développer un usage rigoureux des figures en tant qu’objets de raisonnement à part entière, dotés de leur propre grammaire, pour en faire une véritable langue. C’était un souhait exprimé par le mathématicien allemand David Hilbert en 1900, qui reste encore largement à réaliser.

Il vous reste 36.47% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version