samedi, juin 29

Sandrine, enseignante dans un collège de l’Aude (les personnes citées par leur prénom souhaitent rester anonymes), n’en est toujours pas revenue. Quelques jours après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, alors que ses collègues parlaient sobrement des élections législatives à venir, l’un d’eux s’est énervé et a affirmé voter pour le Rassemblement national (RN). « Jamais, en plus de quinze ans de métier, je n’avais entendu un enseignant qui assumait ce vote aussi clairement », relate la professeure, engagée à gauche. « Pour lui, l’éducation nationale part à vau-l’eau, le niveau baisse et la solution passe par le parti de Marine Le Pen », détaille-t-elle, encore éberluée.

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Comme Sandrine, nombre de professeurs interrogés observent ou ressentent, comme parmi le reste de la société, une montée, souvent à bas bruit, du vote RN dans leurs rangs. Selon l’enquête réalisée par le politiste Luc Rouban avant les élections européennes du 9 juin, si la moitié des professeurs restent des électeurs de gauche, près d’un enseignant sur cinq qui vote glisserait aujourd’hui dans l’urne un bulletin extrême droite. Ses estimations étaient similaires lors de l’élection présidentielle de 2022.

« Le monde enseignant reste l’un des derniers bastions de la gauche et de la résistance au RN, mais ce bastion commence à se fissurer », analyse le chercheur. Il explique cette montée de l’extrême droite, dans cette profession historiquement à gauche, par « une certaine défense des services publics » mise en avant par le président du parti, Jordan Bardella, et « la prise en compte par le RN des questions de violences à l’école, d’agressions ou de problèmes de laïcité ». Une « préoccupation forte » depuis l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty, en 2020.

« Elle ne veut pas que ça se sache »

A quelques jours du premier tour des élections législatives, Christel, professeure des écoles dans les Bouches-du-Rhône, n’a pas arrêté son choix. Elle aurait aimé un « vrai Parti socialiste, plus centriste », et ne votera pas pour l’alliance de gauche, où « certains refusent de voir le Hamas comme une organisation terroriste ». « Cela me fait peur », avoue-t-elle, jugeant par ailleurs le programme du Nouveau Front populaire pour l’éducation « utopique ». Electrice d’Emmanuel Macron en 2017, elle est « écœurée par le mépris du gouvernement actuel pour les enseignants et leur quotidien ».

Profondément marquée par les menaces d’un parent d’élève il y a quelques années, elle voudrait voter pour un parti qui cherche à « protéger les enseignants » et « revalorise leur statut et leur salaire ». « Le RN ne propose pas tout ça, affirme-t-elle. Mais Jordan Bardella met en avant la protection fonctionnelle, la baisse des effectifs, la restauration de l’autorité, l’orientation professionnelle… Ça peut en tenter certains. » Cela pourrait la tenter, elle aussi, même si elle « n’adhère pas du tout à la politique d’immigration » du RN.

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