Les Etats-Unis renouent en ce mois de janvier 2025 avec l’un des principes sur lesquels est fondée leur histoire politique : le transfert pacifique du pouvoir. Il y a tout lieu de s’en féliciter, à condition cependant que la certification paisible des résultats de la présidentielle du 5 novembre 2024 par le Congrès, qui a eu lieu ce 6 janvier, sous la présidence de la vaincue, la démocrate Kamala Harris, vice-présidente et présidente du Sénat sortante, n’efface pas la mémoire du 6 janvier 2021. Ce jour-là, la première puissance mondiale avait vacillé avec l’assaut du Capitole par des fidèles de Donald Trump prêts à tout, avec ses encouragements, pour le maintenir au pouvoir malgré sa défaite face à Joe Biden.
Pendant les mois qui ont suivi, l’opiniâtre réécriture de l’histoire à laquelle le républicain s’est livré a permis d’escamoter ce qui aurait dû le bannir de la vie publique. Le mépris des faits a payé auprès d’une partie significative du camp conservateur, enfermée dans une réalité alternative par les bons soins de médias d’opinion imperméables à la vérité. Il faut pourtant rappeler qu’aucune preuve n’a jamais étayé la théorie du complot d’une élection présidentielle volée, et que cette attaque du Capitole a été l’entreprise de factieux, et non de patriotes.
L’aveuglement de la base républicaine a créé les conditions d’un retour longtemps improbable de Donald Trump, aidé par l’impopularité de l’administration démocrate, notamment son bilan en termes de pouvoir d’achat et d’immigration illégale. Il est très peu probable que ce dernier soit rattrapé par des remords tardifs lorsqu’il prendra le 20 janvier l’engagement de servir et de défendre la Constitution, sous le regard de prédécesseurs qu’il a tous insultés et salis.
Révisionnisme toxique
C’est d’autant plus regrettable que, comme l’a rappelé le président sortant dans une tribune publiée le 6 janvier par le Washington Post, « toute nation qui oublie son passé est condamnée à le répéter ». Pour se prémunir d’une telle perspective, Donald Trump devrait résister à ce que lui dictent ses instincts et placer la grandeur de l’Amérique devant ses intérêts et obsessions personnels.
Mettre fin au révisionnisme toxique de ces dernières années suppose de renoncer tout d’abord au pardon accordé aux personnes poursuivies, jugées et condamnées pour leur participation à ce coup de force contre la démocratie, comme Donald Trump en a fait la promesse pendant la campagne présidentielle. Une forte majorité des Américains interrogés par plusieurs instituts de sondage sont d’ailleurs opposés à cette clémence, difficile à justifier.
Un autre renoncement à un second engagement est également impératif : celui de poursuivre tous les responsables, au Congrès, au département de la justice ou encore au sein de la police fédérale, qui ont simplement fait leur devoir en mettant au jour la machination dont le 6 janvier 2021 a été le produit. Dans le cas contraire, le réflexe de vengeance triompherait avec des conséquences incalculables pour des institutions américaines déjà mises à l’épreuve par la large impunité accordée en 2024 à Donald Trump par la majorité conservatrice de la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire du pays.
On le voit, les Etats-Unis n’en ont toujours pas fini avec le 6 janvier 2021. Il y va de leur exemplarité, et surtout de la résilience de leur système politique.