samedi, décembre 6

Le 22 février 2023, Frank Gehry, mort vendredi 5 décembre, nous recevait dans son agence, à Santa Monica, en Californie. L’architecte du Guggenheim de Bilbao avait 93 ans, mais cela ne l’empêchait ni de chanter et danser dans son bureau, ni de sortir dîner au restaurant plusieurs soirs par semaine. En attendant que sa soirée commence, il a évoqué pour Le Monde quelques souvenirs de jeunesse.

Vous êtes né à Toronto, au Canada, en 1929. Quand êtes-vous arrivé à Los Angeles ?

J’avais 16 ou 17 ans. Je suis venu, avec mes parents. Mon père avait tout perdu. Il avait fait une crise cardiaque et ses frères avaient décidé qu’il lui fallait un climat plus doux. Il a trouvé un job de conducteur de camions pour une compagnie de soda. Ma mère s’est mise elle aussi à travailler, dans un magasin de bonbons, à Hollywood. On vivait sur la 9e rue, dans un deux-pièces qui faisait la taille de ce bureau, avec ma sœur.

L’architecture, c’était une vocation ?

Quand j’étais enfant, je ne savais pas bien ce que je voulais faire. J’ai suivi des cours du soir. J’étudiais la céramique. Le professeur m’aimait bien. Il m’a dit qu’il ne me voyait pas d’avenir dans la céramique, mais il avait l’intuition que l’architecture pouvait me correspondre.

C’était juste après la guerre. Parmi les GI qui avaient été au Japon, certains avaient vu le sanctuaire d’Ise, la villa impériale de Katsura, ce genre de bâtiments, faits avec de petits morceaux de bois. L’influence de ce pays était très forte en Californie à cette époque-là. De nombreuses maisons ont été construites avec ces techniques d’assemblage de pièce en bois ; les premières que j’ai conçues avaient une touche très japonaise.

Quid des architectes de Los Angeles, les représentants du mouvement « mid-century modern », qui ont tant œuvré à la légende de la ville ? Quel regard portiez-vous sur leur travail ?

Je ne suis pas certain qu’ils m’aient tellement influencé. Mais je suis assez fanatique du travail de John Lautner. Et j’adorais l’homme, aussi. Richard Neutra en revanche pas du tout. Mais j’aimais beaucoup Rudolf Schindler. Je l’ai rencontré quand j’étais étudiant à USC [University of Southern California]. Il cherchait toujours des filles… On est devenus amis. J’adorais le regarder, la manière qu’il avait de dessiner sur des morceaux de bois… Mais à USC, j’étais surtout attiré par les étudiants en art. Quand j’ai été diplômé, j’ai réalisé mon premier bâtiment, le studio Danziger. Les architectes de ma génération ont détesté. Ils me sont tombés dessus. Ils étaient scandalisés.

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