vendredi, octobre 4

Que sait-on d’un pays si immense et souvent si fermé ? Qu’en a-t-on vu ? Et notre regard était-il juste, équilibré, cherchant à découvrir la réalité des choses et à en rendre compte ? L’ampleur de la Chine, territoriale et démographique – environ un cinquième de la population mondiale y vit, en moyenne, depuis la fondation de la République populaire de Chine, il y a soixante-quinze ans, le 1er octobre 1949 –, et les changements radicaux qu’elle subit sont un défi pour les reporters du Monde qui s’y succèdent.

L’effort du régime pour essayer de contrôler l’information, et souvent pour l’éteindre, est une autre constante qui rend ce pays si particulier. Sans les dangers du journalisme de guerre inhérents à certains coins du Moyen-Orient ou d’ailleurs, mais sans l’environnement ouvert des capitales occidentales. Chaque reportage, chaque demande d’interview demande une énergie folle. C’est une discipline un peu à part, c’est la Chine.

Pour Le Monde, dont le premier numéro est publié à l’hiver 1944, le premier contact avec ce terrain chinois, outre les dépêches d’agences de presse, témoigne du grand chaos qui caractérise alors le pays, entre les soldats du Kuomintang de Tchang Kaï-chek, ceux des derniers chefs de guerre, ceux de Mao Zedong (1893-1976). Un « correspondant occasionnel » du nom de Paul Cronier a suivi la retraite des troupes françaises du Tonkin, après un coup d’Etat des forces japonaises, en mars 1945. Il se retrouve ainsi échoué à Kunming, dans le Yunnan (sud-ouest du pays), et, en ce 3 octobre 1945, la journée a commencé tôt. « Nous sommes bloqués dans notre “hôtel 1” par les Chinois, qui, depuis 5 heures ce matin, se font des politesses, de carrefours à carrefours, à coups de fusils-mitrailleurs, de mitrailleuses, voire de mortiers. »

« Les malheurs de la Chine »

C’est, pour la Chine, le crépuscule d’une époque. La victoire des soldats de l’Armée populaire de libération maoïste en ouvre bientôt une autre, dont les premières années seront racontées au journal par quasiment un seul homme : Robert Guillain (1908-1998). Le journaliste vient de passer treize ans (1934-1947) au sein de l’agence Havas, devenue Agence France-Presse après la Libération. Après trois années au bureau de Londres, il avait déjà été envoyé couvrir, à Shanghaï, la guerre que menait le Japon à la Chine. « C’était en 1937, époque proche et pourtant un autre monde. Quand j’essaie de me rappeler ce qui m’a le plus frappé, en arrivant en Chine à cette date-là, pour la première fois, presque tout ce qui remonte à ma mémoire concerne un unique sujet : les malheurs de la Chine », écrira-t-il.

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