L’opposition pro-européenne en Géorgie a appelé, jeudi 31 octobre, à de nouveaux rassemblements pour dénoncer les résultats contestés des élections législatives remportées par le parti au pouvoir, et dont la victoire a été confirmée par la commission électorale. Lors d’une conférence de presse jeudi, plusieurs partis d’opposition géorgiens ont dit avoir « des preuves sérieuses de fraudes [électorales] à grande échelle ».
Ils ont une fois encore demandé de nouvelles élections, une enquête internationale sur ces falsifications présumées et ont annoncé une manifestation lundi lors de laquelle ils révéleront un « plan d’action détaillé ». « C’est notre devoir commun d’aller dans la rue et de reprendre le contrôle de l’avenir de notre pays », a déclaré à la presse Elene Khochtaria, de la formation Coalition pour le changement.
Plus tôt dans la journée, la commission électorale avait confirmé la victoire aux législatives du parti dirigeant après un recomptage partiel des voix. Ce recomptage d’environ 12 % des bureaux de vote et 14 % des bulletins « n’a pas entraîné de modification significative des résultats officiels précédemment annoncés », a déclaré l’instance. Elle confirme ainsi la large avance de Rêve géorgien, aux rênes du pays depuis 2012, face à une coalition d’opposition. Selon les résultats officiels quasi définitifs, le premier est crédité de 53,9 % des voix, contre 37,7 % pour la seconde.
Le scrutin s’est déroulé dimanche dans cette ancienne petite république soviétique du Caucase. La coalition d’opposition accuse Rêve géorgien d’avoir « volé » le scrutin, de vouloir remettre en cause l’adhésion à l’Union européenne (UE) de la Géorgie et de s’être engagé dans une dérive autoritaire prorusse.
Après avoir annoncé la victoire de l’opposition pro-européenne sur la foi de sondages de sortie des urnes, la présidente Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement, a refusé de reconnaître celle de Rêve géorgien, et dénoncé un système « sophistiqué » de fraudes suivant « une méthodologie russe ». Drapeaux européens et géorgiens au vent, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté, lundi, à Tbilissi pour dénoncer ce résultat.
Une enquête pour « falsification présumée »
Le premier ministre, Irakli Kobakhidze, qui estime au contraire que les élections ont été « entièrement justes, libres, concurrentielles et propres », a promis que « l’intégration européenne » restait la « principale priorité » de Tbilissi, et a souhaité une reprise des discussions avec Bruxelles.
Mercredi, le parquet géorgien avait annoncé l’ouverture d’une enquête pour « falsification présumée » des élections législatives. Le parquet a précisé avoir convoqué Mme Zourabichvili, puisqu’elle serait « susceptible de détenir des preuves concernant une éventuelle falsification des élections ». Cette dernière avait annoncé mercredi qu’elle refusait de se rendre à cette convocation.
Le ministère de l’intérieur géorgien a, lui, annoncé l’arrestation de deux personnes, soupçonnées du bourrage d’une urne dans un bureau de vote de province. Le parquet a ouvert quarante-sept dossiers judiciaires pour des faits présumés de violation de la loi électorale. La formation d’opposition Géorgie forte voit dans ces enquêtes de l’esbroufe, et a raillé un « bureau du procureur contrôlé par la Russie ».
Le Kremlin a rejeté les accusations d’ingérence dans le processus électoral géorgien. Les Etats-Unis et l’Union européenne, qui se sont inquiétés d’« irrégularités », ont demandé des enquêtes. Dans son rapport annuel sur l’élargissement publié mercredi, la Commission européenne a prévenu qu’elle ne serait « pas en mesure de recommander l’ouverture de négociations d’adhésion » sauf à ce que la Géorgie « ne change de cap ». L’adhésion à l’UE, comme celle à l’l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), figure dans la Constitution géorgienne. L’Ukraine a déclaré pour sa part soutenir « en toutes circonstances » Tbilissi vers une adhésion à l’UE et l’OTAN.
Un test pour l’avenir de la Géorgie
Le scrutin était vu comme un test pour l’avenir européen de la Géorgie. Après la promulgation au printemps d’une loi sur l’« influence étrangère » inspirée d’une législation russe dont le Kremlin se sert pour museler la société civile et l’opposition, Bruxelles avait gelé le processus d’adhésion en guise de protestation. Les Etats-Unis ont pris des sanctions contre des responsables géorgiens pour leur « répression brutale » des manifestations de protestations qui avaient suivi. Une loi qui restreint les droits des personnes LGBT est un autre motif de discorde avec l’Union européenne.
Certains dirigeants de Rêve géorgien, dont son chef, le puissant et richissime Bidzina Ivanichvili, ont multiplié les déclarations hostiles envers l’Occident. Au cours de la campagne, son parti s’est présenté comme le seul capable d’éviter à la Géorgie le même sort que l’Ukraine.
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Pays de 4 millions d’habitants, riverain de la mer Noire, la Géorgie reste profondément marquée par une brève guerre en 2008 avec l’armée russe. Au terme de ce conflit, la Russie, puissance historique dans la région, a installé des bases militaires dans deux régions séparatistes géorgiennes, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, dont elle a reconnu l’indépendance unilatéralement proclamée.