samedi, juillet 6

Malgré la qualification du Rassemblement national (RN) en première ou deuxième place, trente-trois candidats ont maintenu leur candidature lors d’une triangulaire ou quadrangulaire au second tour des législatives. Quelles sont les motivations de celles et ceux qui ont choisi de s’écarter de l’habituel front républicain ? Les Décodeurs font le bilan, parti par parti.

Ensemble et alliés : des maintiens face à LFI, mais pas seulement

La coalition présidentielle ne s’est pas illustrée par la clarté de ses consignes. Au soir du premier tour, dimanche 30 juin, le premier ministre, Gabriel Attal, appelait au « désistement [des] candidats [d’Ensemble] dont le maintien en troisième position [ferait] élire un député RN face à un autre candidat qui défend les valeurs de la République ». Dans un second temps, l’équipe de campagne d’Ensemble a précisé que cette consigne s’appliquerait aussi lorsqu’il s’agit de se désister en faveur d’un candidat La France insoumise (LFI). Mais lundi soir sur TF1, M. Attal a laissé persister le flou en affirmant que « face à un candidat qui a choisi les valeurs républicaines, on se retire », alors même que l’exécutif n’a eu de cesse d’exclure LFI de « l’arc républicain ».

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Dans le détail, selon notre décompte, 16 candidats d’Ensemble et de ses alliés du centre ont décidé de se maintenir face à un candidat d’extrême droite et un candidat de gauche, et ce malgré une troisième place au premier tour. Dans dix circonscriptions, les candidats Ensemble faisaient face à un candidat RN ou de l’alliance entre Les Républicains (LR) et le RN et à un candidat LFI, ce qui montre à quel point la consigne du parti présidentiel de regarder au « cas par cas » le profil des « insoumis » a pu être appliquée.

  • Des candidats Ensemble maintenus face à EELV et au PS

Pourtant, dans trois cas, les candidats Ensemble ont refusé de se retirer alors qu’un candidat du Nouveau Front populaire (NFP) était devant eux et qu’il ne faisait pas partie de La France insoumise, mais d’Europe Ecologie-Les Verts ou du Parti socialiste, partis qui n’étaient pas suspects, aux yeux de l’ex-majorité, de sortir de « l’arc républicain ».

Ainsi, dans la 14e circonscription des Bouches-du-Rhône, où le candidat de l’alliance entre LR et le RN, Gérault Verny, est arrivé premier avec 31,65 % des voix, devant le candidat socialiste du NFP, Jean-David Ciot (29,48 %), la candidate Renaissance Anne-Laurence Petel a décidé de se maintenir. Affirmant avoir obtenu l’accord de Gabriel Attal et Stéphane Séjourné, elle a justifié sa décision par le fait qu’elle s’estime la « mieux placée » pour récupérer les voix du candidat LR éliminé dans sa circonscription avec 5,6 % des voix.

Une certaine confusion régnait dans la 8e circonscription du Rhône. Après avoir annoncé retirer sa candidature, le candidat du MoDem-Ensemble Dominique Despras l’a finalement déposée mardi soir en préfecture… avant d’assurer l’avoir retirée à nouveau pour éviter une quadrangulaire. Mercredi après-midi, il figurait cependant dans la liste des candidats officiels enregistrés par le ministère de l’intérieur.

  • Le « ni LFI, ni RN », repris par de nombreux candidats de la majorité

L’argument d’une candidature « contre les extrêmes » était repris cette semaine par de nombreux candidats de l’alliance présidentielle. Dans la 1re circonscription de Seine-et-Marne, où le candidat LFI est arrivé en tête dimanche, la députée MoDem sortante Aude Luquet estime ainsi que le maintien de sa candidature « répond à une attente de ne pas voter ni extrême droite ni extrême gauche ». Même justification pour Hervé Prononce (Horizons-Ensemble) qui s’est dit « dans la ligne tracée par Edouard Philippe » en se maintenant contre le RN et LFI dans la 1re première circonscription du Puy-de-Dôme, où l’« insoumise » Marianne Maximi était arrivée en tête avec 38,1 % des voix, loin devant le RN (27,5 %) et Horizons (24,1 %).

Dans deux cas, des candidats Ensemble ont décidé de se maintenir alors qu’un candidat RN était arrivé en tête au premier tour, laissant courir le risque de faire élire un député d’extrême droite :

  • Dans le Val-d’Oise, où la candidate (RN) Anne Sicard est arrivée en tête, la députée sortante (Renaissance) Emilie Chandler a décidé de se maintenir malgré sa troisième place derrière le candidat « insoumis » du NFP Maximillien Jules-Arthur. Elle a justifié sa décision par le fait que « les maires, les associations, les habitants [lui] ont demandé de maintenir [sa] candidature dans le refus des extrêmes », renvoyant dos à dos le RN et LFI.
  • Dans les Alpes-Maritimes, le député Horizons sortant, Graig Monetti, a décidé de se maintenir malgré sa troisième position derrière Eric Ciotti et Olivier Salerno. Il estime être le seul à « pouvoir rassembler suffisamment » pour battre M. Ciotti, notamment grâce aux reports de voix du candidat LR éliminé. Surtout, il a assumé ne pas s’être retiré en raison de l’appartenance à La France insoumise du candidat NFP. « Si j’avais eu l’opportunité d’avoir en face un candidat socialiste, démocrate, écologiste et même communiste, je me serais retiré », a-t-il déclaré sur BFM-TV.
  • Des candidats ne voyant « pas de risque de RN »

Plusieurs candidats macronistes ont estimé inutile de se désister, estimant qu’il n’existait pas de risque réel de victoire du RN dans leur circonscription. Arrivé troisième dans la 9e de Haute-Garonne, le candidat Renaissanse Florian Delrieu a maintenu sa candidature en estimant que sa circonscription « ne présente pas de risque RN ». « Christine Arrighi est arrivée largement en tête [la candidate EELV-NFP a obtenu 47,5 % des voix], presque élue au premier tour, le risque RN est nul ici », a-t-il argumenté auprès de d’Actu.fr.

Même cas de figure dans la 2e circonscription du Nord, où le député sortant Ugo Bernalicis a obtenu 47,3 % des voix au premier tour, et où la candidate (Renaissance) Violette Salanon (20,8 %, derrière le candidat du RN Philippe Guérar et ses 21,9 %) a décidé de se maintenir.

Au sein du Nouveau Front populaire et ses alliés : LFI moins stricte face à la droite

A l’issue du premier tour, le chef de file de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, avait été très clair : « Nulle part nous ne permettrons au RN de l’emporter, et c’est pourquoi, dans l’hypothèse où il serait arrivé en tête tandis que nous arrivons en troisième position, nous retirerons notre candidature. » A une exception près – pour le moins particulière –, LFI a tenu sa ligne. Ses candidats se sont en revanche parfois maintenus quand le RN arrivait second, non sans discussions animées.

  • Une double concurrence d’extrême droite

Une seule fois, LFI s’est maintenu face à un candidat RN arrivé premier, mais le cas de la 6e circonscription de l’Hérault est atypique. L’« insoumise » Magali Crozier, troisième, a reçu consigne de se maintenir, explique-t-elle à Midi Libre, car la deuxième, Emmanuelle Ménard (divers droite) est historiquement proche du RN. Face à deux candidats issus de l’extrême droite, elle se maintient donc mais sait ses chances « minimes ».

  • Une victoire du RN jugée improbable

Dans certaines circonscriptions où le RN ne s’est qualifié qu’en deuxième position, certains candidats ont choisi de se maintenir. C’est par exemple le cas de l’« insoumis » Cédric Briolais, dans la 10e circonscription des Yvelines. Le candidat du RN, Thomas du Chalard (28,2 %), y a été devancé par la ministre déléguée Aurore Bergé, et n’a selon lui qu’une chance « négligeable » de victoire. Ces choix sont parfois contestés par les militants, en raison de la réserve de voix potentielle du RN du côté de LR et de Reconquête !.

  • Des représailles contre Les Républicains

Les candidats LFI qui persistent face au RN le font le plus souvent dans des circonscriptions où Les Républicains sont arrivés en tête. Un choix en partie en représailles, car « LR n’a pas systématiquement retiré son candidat quand le Nouveau front populaire était devant », assume ainsi auprès du Progrès Ismaël Stevenson qui, après s’être retiré, a finalement maintenu sa candidature dans la 5e circonscription de la Loire.

  • Une stratégie de visibilité

Dans certaines configurations extrêmes, comme une quadrangulaire en Vendée où aucun qualifié ne s’est retiré, le parti assume un scrutin qui n’est « pas gagnable » mais où, à des fins stratégiques, « il est important que la gauche soit représentée », explique à Ouest-France la candidate locale, Julie Mariel-Goard, en vue des élections futures.

Les Républicains : un front républicain très marginal

Peu de candidats issus de la droite gaulliste se sont retrouvés en position de faire barrage. Dans une configuration de triangulaire face au RN et LFI, un seul l’a fait. Il s’agit de Régis Sarazin, dans la 6e circonscription de Seine-et-Marne, de lui-même, au nom des « valeurs de notre démocratie ». Les autres se sont maintenus, parfois contre d’autres candidats NFP, avec des arguments témoignant davantage du rejet de l’alliance du Nouveau front populaire que de celui de la perspective d’une majorité à l’assemblée pour le Rassemblement national.

  • LFI et ses alliés considérés comme des « extrêmes »

Parmi les arguments souvent déployés, le caractère « dangereux » du projet LFI, affirme ainsi Fabrice Brun, candidat dans la 3e circonscription de l’Ardèche. Dans une stratégie de « ni-ni », François Durovray estime faire « reculer les extrêmes » dans la 8e circonscription de l’Essonne. Un raisonnement qui vaut également pour les alliés de LFI. Dans la 6e circonscription de Loire-Atlantlique, Alain Hunault se maintient ainsi face à l’écologiste Jean-Claude Raux, premier, pour faire barrage « aux blocs des extrêmes ».

  • Des maintiens dans l’espoir d’un report de voix favorable

Le LR troisième, mais le LR favori ? Certains justifient leur maintien par des calculs électoraux : ils affirment bénéficier d’une réserve de voix qui serait plus importante que celle du candidat NFP. Ainsi de Valérie Simonet dans la 1re circonscription de la Creuse, qui mise sur les reports de voix de Renaissance, ou de Romain Lefebvre, dans la deuxième circonscription de l’Allier, qui espère un report de celles du MoDem. Dans la 7e circonscription de l’Oise, le député sortant Maxime Minot juge plus généralement que « la forte proportion des voix de droite sur [ce] territoire ne laisse aucune chance au candidat du [Nouveau] Front populaire ».

  • Faire barrage à François Hollande

Dans une configuration atypique, le député LR sortant Francis Dubois a décidé de confirmer sa candidature au second tour dans la 1re circonscription de Corrèze, malgré sa troisième place. Il ne s’agit pas pour lui de faire barrage au RN, deuxième, mais à l’ancien président de la République : « Nous sommes la seule droite capable de battre François Hollande. Voter Pouget [RN], c’est faire élire François Hollande », argue-t-il.

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