dimanche, juin 30

La dissolution de l’Assemblée nationale est « un temps de clarification indispensable », a justifié le président de la République, Emmanuel Macron, en annonçant, le 9 juin, sa décision. Après trois semaines de campagne éclair, il est pourtant loin d’être acquis que les législatives des 30 juin et 7 juillet débouchent sur une nouvelle donne politique plus claire que la précédente. La future Assemblée nationale peut-elle rendre la France ingouvernable ? A quelle condition sera-t-il possible de nommer un gouvernement ? Voici ce que les institutions de la Ve République prévoient.

Comment un gouvernement peut-il se former ?

Deux grandes possibilités existent quant à l’issue des législatives. D’abord, un camp politique peut réunir une majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale (plus de 289 sièges sur 577). Dans ce cas, un gouvernement devrait être nommé sans grande difficulté, quel que soit le parti ou la coalition qui remporte l’élection. Dans cette situation de cohabitation, le président de la République serait contraint de nommer un premier ministre issu du camp du vainqueur. C’est ce qui s’est produit en 1986, 1993 et 1997.

La situation se corse, en revanche, en l’absence de majorité absolue. En 2022, le camp présidentiel a décroché 246 sièges, se retrouvant en position de majorité relative tout en restant, de loin, le plus important groupe de l’Assemblée nationale. Une première dans l’histoire de la Ve République. Une situation délicate qui ne l’a pas empêché de former un gouvernement.

« Les institutions de la Ve République ont été pensées pour gérer de telles majorités relatives, pas l’absence de majorité tout court », analyse Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas. Le constitutionnaliste voit une grande différence entre un gouvernement issu d’un groupe politique minoritaire, mais assez proche de la majorité absolue, et un gouvernement qui serait sous la menace permanente d’une motion de censure.

Depuis 2022, les différents groupes d’opposition à l’Assemblée nationale n’ont jamais convergé sur une même motion, échouant à renverser le gouvernement. Mais la perspective de voir Les Républicains voter une motion de censure avec la gauche et l’extrême droite semblait se rapprocher, et aurait pu se concrétiser lors du vote du budget, à l’automne 2024.

Le chef de file du Rassemblement national, Jordan Bardella, a déjà anticipé ce risque, affirmant à plusieurs reprises depuis le 9 juin qu’il refuserait d’être premier ministre si son parti ne remporte pas la majorité absolue des sièges.

Que se passe-t-il en l’absence de majorité ?

Dans une situation sans vainqueur clair, le risque de blocage institutionnel est réel. Plusieurs camps politiques peuvent s’entendre pour former une coalition qui détiendrait, elle, la majorité absolue. Mais cette hypothèse est loin d’être acquise, tant les trois principaux blocs se sont opposés au cours de la campagne.

La France pourrait-elle alors se retrouver privée de gouvernement, dans la durée, à l’issue du deuxième tour ? Sans gouvernement, « aucune initiative ne peut être prise, ni par la voie législative, ni par la voie réglementaire. On expédie les affaires courantes », prévient Benjamin Morel.

Le Monde

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En revanche, rien n’empêche formellement qu’un premier ministre soit nommé, au moins temporairement. En 1962, lorsqu’une motion de censure a abouti contre le gouvernement gaulliste, le premier ministre Georges Pompidou a présenté sa démission. Celle-ci a été refusée par le président de la République, Charles de Gaulle, qui a alors organisé un référendum sur l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel pour se relégitimer, avant de dissoudre l’Assemblée nationale.

Mais un tel gouvernement, fragile et minoritaire, serait en difficulté pour gouverner, s’inquiète Sophie de Cacqueray, maîtresse de conférences en droit public à l’université d’Aix-Marseille. « Il n’est pas si facile de gérer les affaires courantes, encore moins de faire passer des lois dans une telle configuration, observe-t-elle. Et il y a un problème qui arriverait très, très vite à l’automne, c’est le vote du budget. » Ce texte majeur suscite traditionnellement de fortes oppositions entre les principales formations politiques.

Que se passe-t-il si aucun gouvernement durable n’émerge ?

Contrairement aux gouvernements sortants depuis 2022, contre qui les oppositions ne se sont jamais alliées, un gouvernement minoritaire serait à la merci d’une motion de censure des députés. Pourrait-on voir se succéder des gouvernements éphémères dans la foulée du prochain scrutin ?

En l’absence de majorité, la France se retrouverait dans une situation inédite sous la Ve République. Mais « ce sont des problèmes qu’on rencontre dans tous les régimes parlementaires. Cela nous semble baroque, mais c’est courant », relativise Benjamin Morel. L’Italie est coutumière de blocages de ce type. En 2018, une coalition a été formée entre la Ligue de Matteo Salvini (extrême droite) et le Mouvement 5 étoiles de Luigi Di Maio, une formation populiste et attrape-tout. L’éclatement de cet attelage a ensuite amené à la formation d’un gouvernement technique, dirigé par Mario Draghi, qui a tenu un peu plus d’un an.

Dans tous les cas, « il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections », selon l’article 12 de la Constitution. Le blocage ne pourrait donc se régler dans les urnes à court terme. « Il n’y a pas d’obligation de trouver une solution pérenne pour les trois ans qui nous séparent de la prochaine présidentielle. Il est possible dans cette configuration qu’on ait un jour un gouvernement technique, un autre une coalition », anticipe BenjamIn Morel.

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