lundi, juillet 8

En ces temps de campagne, voici un texte que les candidats portés par l’écologie et le progrès social seraient inspirés de lire. Car ils sont bien rares, les textes qui, sur cette question brûlante, déploient une vision articulant lecture historique, analyse stratégique et réflexion prospective en posant frontalement le problème auquel ce camp est confronté : « Pourquoi l’écologie, présente sur toutes les lèvres, ne parvient-elle pas à devenir la vérité absolue de toutes les pensées et la boussole de chaque instant ? »

A mi-chemin des sciences sociales et du politique, c’est-à-dire des idées et du concret, L’écologie peut-elle être populaire ? (Le Bord de l’eau, 216 pages, 22 euros) propose une réponse en revenant à la base d’un débat dont il articule les principaux termes (travail, écologie, classes populaires, territoires) tout en s’appuyant sur un credo : « Le territoire est le chaînon manquant entre social et environnement. »

L’hybridité de cet essai tient à l’identité de son auteur. Erwan Ruty est un homme à l’intersection de l’action (il a piloté la commission banlieues d’Europe Ecologie-Les Verts), de l’observation, jadis engagé dans plusieurs médias ancrés dans les quartiers (Pote à pote, Respect Mag), et de la réflexion. Il avait signé une captivante Histoire des banlieues françaises (Les Pérégrines) en 2020, qui se prolonge quatre ans plus tard par cet essai dense, où le talent de la synthèse s’allie avec la verve de l’écriture – non sans une tendance au lyrisme.

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« On n’a plus de pétrole, ni d’idées » ; « Il ne faut pas désespérer Billancourt, mais Billancourt n’existe plus » ; « réunifier le peuple des TER et celui des RER »… Cet ouvrage fourmille de formules qui condensent une perspective historique de deux siècles pour penser celui qui vient, et qu’Erwan Ruty croque en deux idéal-types : le « régime libéral » d’aujourd’hui contre la « société écologique » de demain.

Dynamique destructrice

Paysannerie, artisanat, petit commerce et classe ouvrière ont constitué les assises sociales des républiques depuis 1789. Mais le « régime libéral », en marginalisant les classes populaires – des banlieues au périurbain – et en éloignant le travail productif – externalisé à l’autre bout du monde –, produit une dynamique destructrice depuis les années 1980 en soumettant ces populations à une violence qui a fécondé les grandes crises sociales, des révoltes dans les banlieues aux « gilets jaunes ». A cette casse s’est ajouté un schisme, soit l’abandon par « une partie de la jeunesse post-68 » du monde du travail au profit d’un « esprit libéral-libertaire » centré sur les questions de société.

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