Premier à passer la ligne d’arrivée en 2021, mais reclassé deuxième au profit de Yannick Bestaven, Charlie Dalin a pris sa revanche sur le Vendée Globe.
Le skipper Macif, plus fort que Yoann Richomme, a remporté, mardi 14 janvier, la plus prestigieuse des courses au large en solitaire en 64 jours.
Grâce à son bateau à foils ultra-performant et une météo généreuse, il a atomisé de dix jours le record d’Armel Cléac’h, qui avait mis, en 2017, 74 jours à boucler le tour du monde à la voile en solitaire.
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Vendée Globe, l’incroyable aventure humaine
64 jours, 19 heures, 22 minutes et 57 secondes. « Mais non ? 65 jours ? Oh pétard ! Ah ouais… Ah bah là, ça va tenir pour 20 ans, à moins qu’on mette des réacteurs sur les Imoca », a blagué Jean Le Cam, l’iconique doyen de la flotte. Soixante-quatre jours pour traverser le globe, c’est 10 de moins (!) qu’Armel Le Cléac’h, qui détenait jusqu’alors le temps de référence sur le Vendée Globe. En 2017, « le Chacal » avait mis 74 jours, 3 heures, 35 minutes et 46 secondes pour boucler son tour du monde à la voile en solitaire.
Une marque record que Charlie Dalin, dont la silhouette en clair-obscur a fendu la fin de la nuit, a atomisée, mardi 14 janvier, lorsqu’il a franchi en premier la ligne d’arrivée fictive du Vendée Globe. Un coup de rabot jamais vu depuis la victoire de Michel Desjoyeaux en 2001, qui avait amélioré de 12 jours le temps de Christophe Auguin, 105 jours en 1997.
Il était là pour la gagne
Il était là pour la gagne
Armel Le Cléac’h, vainqueur du Vendée Globe 2016-2017
Une belle revanche pour le skipper de 40 ans, 1447 jours après avoir vu la victoire lui filer sous le nez. En 2021, le Havrais avait coupé la ligne d’arrivée en premier aux Sables-d’Olonne… avant d’être reclassé deuxième. Le jury de course avait alloué une bonification de 10h15 à Yannick Bestaven, l’un des concurrents déroutés pour participer au sauvetage de Kevin Escoffier, naufragé dans l’Indien. Il avait finalement manqué la victoire pour 2h30 seulement.
« Avec 2h30 de moins, je gagnais », ressassait-il à l’aube de cette 10ᵉ édition, avouant avoir couru pendant les quatre dernières années derrière les 2h30 qui lui ont manqué à l’arrivée. « C’était dur à avaler. Je me réveillais la nuit, je refaisais la course, les manœuvres, les choix de voile pour comprendre où j’avais laissé filer ce temps. »
Quatre ans après cette mésaventure, Charlie Dalin a cette fois tout fait pour rester maître de son destin. D’un bout à l’autre du globe. « Pour lui, c’était la victoire ou rien », assure à TF1info Armel Le Cléac’h, qui l’a couvé en 2007 au pôle Finistère de Port-la-Forêt, prestigieux centre d’entraînement où sont formés les plus grands skippers. « Il a vécu une arrivée très frustrante en 2021, l’a gardée mauvaise. Ça l’a motivé pour cette course. Il n’était pas là pour communiquer ou raconter son aventure, il était là pour la gagne. »
Deux des trois caps en tête
Placé dans le trio de tête au moment de franchir l’équateur, après une descente au ralenti de l’Atlantique nord, le navigateur normand a survolé cette édition anniversaire. Il a passé deux des trois caps en première position. Bonne-Espérance d’abord, après 19 jours, 3 heures et 43 minutes de course. « J’ai l’impression d’avoir été téléporté de l’équateur jusqu’ici ! C’est vraiment impressionnant le peu de temps qu’on a mis à faire ce tronçon », s’étonnait-il alors.
À l’avant de la dépression des Kerguelen, poussé par des vents soutenus, c’est en leader qu’il a franchi le cap Leeuwin, avalant en 9 jours, 22 heures et 27 minutes les 4400 milles séparant l’Afrique du Sud et l’Australie. Soit neuf heures de moins que le temps de référence établi en 2008 par Michel Desjoyeaux, seul double vainqueur de la régate océanique.
Au duel avec Yoann Richomme, son ami devenu rival, qui a été son colocataire à Port-la-Forêt en 2011, c’est avec 10 minutes de plus que lui (43 jours, 11 heures et 25 minutes) que Charlie Dalin a laissé le cap Horn dans sa poupe. Il est finalement repris la tête le 30 décembre pour ne plus la lâcher jusqu’à l’arrivée. Sur la route du retour, il a été le premier à atteindre l’équateur, traversant l’hémisphère Sud en 44 jours, 17 heures et 33 minutes, une semaine de moins que Le Cléac’h. Il a basculé dans l’hémisphère Nord après 56 jours, 2 heures, 36 minutes, cinq jours plus vite que « le Chacal » (61 jours, 12 heures et 21 minutes).
La voile plus fort que tout
À bord de son Imoca dernière génération, munis de foils, et porté par une météo généreuse, le skipper Macif a continué de grappiller du temps sur le record, tout en maintenant un écart suffisant avec son rival Yoann Richomme. Une fin de course maîtrisée en guise de consécration pour ce fils d’une assistante commerciale et d’un régisseur pour des groupes de rock, mordu du large depuis un été passé, sur la presqu’île de Crozon, dans une maison louée par ses grand-parents.
Un virus attrapé à l’âge de 6 ans qui a forgé en lui une vocation. « Ça a été une révélation, un coup de foudre, une échappatoire », racontait en 2021 à Ouest-France (nouvelle fenêtre) sa mère, Christine. À l’époque déjà, la voile l’emporte sur tout chez ce jusqu’au-boutiste : il tapisse les murs de sa chambre de posters de ses skippers favoris. « Il y en avait partout dans sa chambre. Il en parlait même à table », témoignait-elle. « Avec les couverts, il nous montrait le sens du vent. Il cherchait ce qu’il fallait faire, l’angle à prendre. C’était assez pointu, pas des petits trucs d’enfants. C’était assez exceptionnel. »
Il est celui qui mérite le plus cette victoire
Il est celui qui mérite le plus cette victoire
Armel Le Cléac’h, vainqueur du Vendée Globe 2016-2017
Sans délaisser ses études, l’architecte naval de formation apprend les ficelles et les rudiments de la course au large. Au fil de ses changements de catégories, Charlie Dalin se démarque et se fait remarquer : vainqueur de la Transat AG2R en 2012 (avec Gildas Morvan), champion de France de course au large en 2014 et 2016 ou encore cinq podiums sur la Solitaire du Figaro de 2014 à 2018, un record. « Charlie est un marin qui ne laisse rien au hasard », souligne Armel Le Cléac’h. « Il est très pointilleux et méticuleux dans sa préparation. Dès qu’il est arrivé dans le circuit Figaro, il a toujours essayé de trouver le petit détail qui fait la différence. Ce n’est pas un gros communicant, c’est quelqu’un d’assez taiseux, mais c’est un perfectionniste. »
Une irrésistible ascension qui lui ouvre les portes du monde des Imoca. Lauréat de la Transat Jacques-Vabre en 2019 (avec Yann Eliès), sur Apivia, il se présente en outsider sur le Vendée Globe 2020, où il arrive premier mais pas vainqueur. Une « grosse déception » dont il se relève les trois années suivantes, en se classant sur la majorité des courses en flotte (2ᵉ de la Transat Jacques-Vabre en 2021, vainqueur de la Vendée-Arctique et 2ᵉ de la Route du Rhum en 2022, vainqueur de la Rolex Fastnet Race avec Pascal Bidégorry en 2023 et vainqueur de la New York Vendée en 2024).
Des performances qui ont libéré Charlie Dalin, qui a mis à l’eau en juin 2023 son Imoca aux couleurs de Macif. « J’aborde les choses avec un peu moins de pression. Au final, tout ça, ce n’est pas grave, ce n’est qu’un jeu », confiait-il aux organisateurs du Vendée Globe. Un jeu qu’il a fini par remporter haut la main, malgré le poids des attentes placées en lui. « Il fallait tenir la pression. Il était le grand favori au départ. Ce n’est pas un statut facile à assumer, surtout sur une course aussi longue, avec tellement d’aléatoires », applaudit Armel Le Cléac’h. « Il a parfaitement tenu son rôle. Bravo à lui. Il est celui qui la mérite le plus cette victoire. »