samedi, mai 18
Une miniature du manuscrit en latin de « L’Apocalypse de Jean », dite « Apocalypse de Val-Dieu », début du XIVᵉ siècle.

Ici, un moine copiste vomit des grenouilles et des lapins guerriers chevauchent des escargots. Là, les fruits d’un pommier sont remplacés par une dizaine de bras humains et une betterave arbore un sourire édenté. Là encore, des démons se tiennent en cercle pour un sabbat diabolique et un Satan écarte de ses bras velus la bouche des Enfers. Ici, enfin, un moine qui semble porter des lunettes de soleil joue aux dés accompagné d’un chien.

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Bestiaires fantasmagoriques, représentations démoniaques et scènes du quotidien oscillant entre le familier et l’absurde : les représentations provenant de tableaux ou de manuscrits anciens du Moyen Age fleurissent en ligne. Ces fragments d’images ont même acquis une surprenante viralité grâce à des comptes spécialisés comme @weirdmedievalguys, @medievalbestiary, @medieval.psychedelia, @medieval.marginalia ou @smilingbeetroot.

Observées avec notre regard contemporain, ces images nous paraissent tantôt bizarres, tantôt absurdes, voire grotesques. « J’adore ! Je les regarde comme un sketch des Monty Python », s’amuse Othmane Talbi, 39 ans, chef de projet dans les questions de migrations à Rabat, au Maroc. Elles comptent chacune plusieurs dizaines de milliers de likes sur les réseaux sociaux comme Instagram et X. Thibault Goeringer, développeur Web parisien de 36 ans, apprécie, lui, « la diversité dans la représentation du monstrueux, du bizarroïde et du surréaliste : les animaux difformes, démoniaques, la violence crue et les représentations de la mort qui côtoient des scènes du quotidien qui nous semblent familières, comme le compagnonnage avec les chiens ».

« L’enfance de notre monde actuel »

Cette fenêtre sur un passé lointain mais pourtant familier inspire aussi les artistes. Tatoueur né dans l’est de la France et établi à Montréal, Bartobello puise dans l’esthétique des gravures médiévales pour les dessins des tatouages qu’il réalise. Il remarque que « cette imagerie est presque enfantine, facile à déchiffrer pour les Européens qui ont grandi dans un bain culturel fait de chevaliers, de châteaux forts, de blasons et d’armures, mais aussi de démons et de dragons. Ce sont les marqueurs de notre enfance ».

Maria Pandiello, docteure en histoire de l’art, spécialiste de la propagande politique au XVe siècle et curatrice du compte Instagram @visions_of_manuscripts, mobilise, elle aussi, l’analogie du retour en enfance pour expliquer le succès des comptes de curation d’imagerie médiévale. « Le Moyen Age, pour nous, Européens, c’est en quelque sorte l’enfance de notre monde actuel, une altérité à la fois distante et familière à laquelle on revient toujours pour mieux se comprendre. Un peu comme en psychothérapie. »

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