vendredi, juin 28

Drôle d’endroit pour un rêve olympique. Au sud de la Thaïlande, l’île de Phuket a plutôt la réputation d’un aimant à Occidentaux et Russes en mal de sable chaud et d’eau bleu lagon. Pas vraiment d’un eldorado pour sportifs ambitieux. C’est pourtant là, dans les locaux sans charme de l’université Rajabhat, entourée d’innombrables hôtels, qu’une partie du gratin mondial de l’haltérophilie s’est donné rendez-vous en ce début de printemps. Pour les quelque quatre cent cinquante athlètes présents, une dernière chance de se qualifier pour les Jeux olympiques de Paris.

Mohammed Hamada, tout juste 22 ans, le sait. Ce 7 avril, le jeune homme, cou épais et solides épaules, concourt dans la catégorie des moins de 96 kilos. Accroupi, le dos droit et les fesses vers l’arrière, il pose ses mains recouvertes de talc sur la barre. Quelques secondes de concentration, puis il propulse vigoureusement 100 kilos au-dessus de sa tête, bras tendus, comme le veut le mouvement de l’arraché.

A l’épaulé-jeté, qui consiste à soulever la barre jusqu’aux épaules, puis à se redresser avant de la projeter au-dessus de la tête, il valide un essai à 120 kilos. Loin, très loin des favoris, qui culmi­nent à plus de 150 kilos à l’arraché et au-delà des 200 kilos à l’épaulé-jeté. Des neuf concurrents de sa caté­gorie, Mohammed Hamada termine bon dernier. Prudent, il a préféré lever « léger », bien en deçà de ses records – 168 kilos à l’arraché, 200 à l’épaulé-jeté. Pas besoin de s’épuiser, ses chances de qualification face aux cadors étant quasi nulles.

Loin de Gaza

Mais l’essentiel était ailleurs. Car l’exploit, pour Mohammed Hamada, consistait d’abord à être là, à Phuket. Alors, avant ses épreuves, il a levé l’index vers le ciel. Puis, après cha­que barre soulevée, il a fièrement montré du doigt le petit drapeau de la Palestine floqué sur sa combinaison rouge et noire. Une manière de rappeler que, quelques semaines avant la Thaïlande, lui ne s’entraînait pas comme ses adversaires. Il tentait juste de survivre, dans le chaos de Gaza.

Au-delà des résultats, la compétition à Phuket avait donc, pour lui, une « saveur particulière ». Au lendemain de sa performance, le grand gaillard nous exprime l’émotion ressentie : « Je représentais ma famille, mon peuple, et toute la Palestine. » Le voilà confortablement installé, en claquettes, short et polo noirs, dans le hall du luxueux Hôtel Ramada, un cinq-étoiles au style architectural des Peranakan, mélange d’influences orientales et européennes, où logent une partie des sportifs. Mais, de sa voix rauque, qui tranche avec ses traits juvéniles, c’est un tout autre décor qu’il raconte, fait de scènes d’horreur et de désolation. A ses côtés, son entraîneur et grand frère Hossam, 39 ans, l’écoute retracer « six mois de siège, de destruction et de faim ».

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