mardi, mai 21

En novembre 2017, à l’université de Ouagadougou, le président Emmanuel Macron affirmait : « Je veux que, d’ici cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique. » A la suite des combats menés par les peuples spoliés depuis des décennies, cette déclaration, suivie du rapport Sarr-Savoy en 2018, a soulevé un grand espoir sur le continent africain, en particulier les pays francophones dont certains des plus grands trésors se trouvent en France depuis les conquêtes coloniales.

En décembre 2020, la France a voté une loi qui a permis le rapatriement de quelques trésors au Bénin et au Sénégal. En 2023, après l’adoption de deux lois de restitution portant respectivement sur les biens des familles juives spoliées et sur les restes humains, nous suivions avec grand espoir et attention le chantier législatif concernant les biens soustraits aux peuples colonisés.

Au moyen de politiques culturelles ambitieuses, la construction ou la rénovation de musées et le renforcement de leurs institutions patrimoniales, nos pays se préparaient à accueillir dans la joie le retour en terre natale de leur patrimoine. Le Bénin construit dans sa capitale, Porto Novo, un musée international du vodun, déjà primé pour son architecture, où est attendue la célèbre statue du dieu Gou.

Série de vices

Le report de la loi promise est pour nous un choc. Les critiques légitimes du Conseil d’Etat sur le projet de loi préparé par le gouvernement français, révélées par « Le Monde », soulignent une série de vices. Le Conseil d’Etat relève que ce projet de loi contrevient à un principe fondamental : la sortie de la domanialité publique doit être motivée par un intérêt public supérieur, par un motif impérieux, qui seul peut fonder une dérogation à l’inaliénabilité des collections publiques.

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Or, le projet de loi ne vise que la « conduite des relations internationales et la coopération culturelle » ; ce qui ne saurait constituer un intérêt public supérieur. Ce motif est directement inspiré du rapport Patrimoine partagé : universalité, restitution et circulation des œuvres d’art, remis en 2023, qui n’est pas en accord avec le discours prononcé par le président Macron en 2017 à Ouagadougou. Si la coopération culturelle avec la France, comme avec d’autres pays, nous est chère, elle ne saurait se substituer à la nécessité de retrouver notre patrimoine.

En 1978, Amadou-Mahtar M’Bow, alors directeur général de l’Unesco, écrivait : « Aussi bien ces hommes et ces femmes démunis demandent-ils que leur soient restitués au moins les trésors d’art les plus représentatifs de leur culture, ceux auxquels, ils attachent le plus d’importance, ceux dont l’absence leur est, psychologiquement, le plus intolérable. Cette revendication est légitime. » L’intérêt culturel des peuples n’est-il pas un motif impérieux, un intérêt général supérieur ?

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