vendredi, novembre 29
Capture d’écran réalisée sur X le 29/11/2024

Mais il s’agit ici d’un raisonnement trompeur qui n’invalide en rien la réalité du réchauffement climatique comme l’ont expliqué plusieurs experts à l’AFP.

Réchauffement plus important des continents

Parmi les treize captures d’écran rassemblées dans la vidéo et l’image virales, on trouve en majorité des extraits d’articles de presse mais aussi quelques publications sur les réseaux sociaux de média ou d’ONG ainsi qu’un article du site spécialisé dans les statistiques Statista.

Ces écrits ont tous été publiés entre 2015 et 2022. Pour la plupart, ils s’appuient sur des études scientifiques, notamment réalisées par l’Organisation météorologique mondiale ou des instituts nationaux, qui comparent le réchauffement observé dans un pays ou une région du globe spécifique avec l’augmentation moyenne des températures sur Terre.

Or plusieurs zones peuvent en toute logique se réchauffer plus vite qu’une valeur moyenne – aussi bien que plusieurs endroits peuvent se réchauffer plus lentement que ladite valeur moyenne.

« Les continents se réchauffent plus vite que les océans ; comme les océans occupent une grande surface du globe, les continents se réchauffent, en moyenne, nettement plus que la moyenne planétaire, environ 30% de plus« , a expliqué le 26 novembre 2024 à l’AFP Aurélien Ribes, chercheur au Centre national de recherches météorologiques (CNRM), un organisme rattaché à Météo-France et au CNRS (lien archivé ici).

« Juste sur cette base, il est logique que la plupart des pays (qui sont tous sur continents) ‘se réchauffent plus vite que la moyenne globale‘. Ce serait également le cas d’une moyenne sur ‘tous les pays‘ ! », relève le spécialiste.

« Les continents se réchauffent plus vite que les océans parce qu’en fait sur les océans il y a une partie du réchauffement qui est compensée par le fait que l’eau s’évapore, ce qui a un effet refroidissant. C’est le même effet qu’une piscine l’été : elle se réchauffera moins vite que le sol qui est à côté« , a complété auprès de l’AFP le 27 novembre 2024 Camille Risi, chercheuse du CNRS au Laboratoire de Météorologie Dynamique (lien archivé ici).

La Nasa, l’agence spatiale américaine, indique sur son site qu' »en général, le réchauffement est plus important sur terre que dans les océans, car l’eau absorbe et libère plus lentement la chaleur » du fait du phénomène d’inertie thermique (lien archivé ici).

« Puisque les zones terrestres se réchauffent plus rapidement que les océans, tous les pays peuvent affirmer que le réchauffement y est plus rapide que la moyenne générale – ou, le ‘reste du monde‘ si l’on entend par là le monde entier et non une autre zone limitée« , expliquait en juillet auprès de l’AFP Gustav Strandberg, climatologue et responsable de la recherche à l’Institut météorologique et hydrologique suédois (SMHI; lien archivé ici).

« Les titres des articles [utilisés dans les montages, ndlr] sont donc corrects, même s’il peut effectivement paraître un peu étrange que tous indiquent que le réchauffement est plus rapide dans une région différente« , développait le spécialiste.

Le sixième rapport du GIEC mentionne aussi la différence de vitesse de réchauffement entre les terres et les océans. « La température à la surface du globe était de 1,09 [0,95 à 1,20] °C plus élevée en 2011-2020 qu’en 1850-1900, avec des augmentations plus importantes sur les terres (1,59 [1,34 à 1,83] °C) que sur les océans (0,88 [0,68 à 1,01] °C)« , est-il ainsi indiqué dans son résumé à l’intention des décideurs, publié en 2023 (archivé ici).

Cela s’explique par des différences de propriétés liées à l’humidité et à la captation de la température entre les terres et les océans, avait déjà indiqué à l’AFP Jouni Räisänen, maître de conférences à l’Institut de recherche sur l’atmosphère et le système terrestre de l’université d’Helsinki, en mai 2024 auprès de l’AFP (lien archivé ici).

Il avait expliqué que les zones terrestres se sont plus réchauffées que les océans principalement à cause d’un phénomène lié à la différence d’humidité entre les surfaces, du moins à des latitudes basses. Une augmentation de l’évaporation permet de limiter l’augmentation de la température à la surface des océans.

Latitude et altitude élevées

Interrogée par l’AFP le 15 juillet, l’Administration nationale américaine des océans et de l’atmosphère (NOAA) avait souligné que « les tendances à long terme (depuis 1901) montrent que les terres, en général, se réchauffent à un rythme plus rapide que les océans et que les latitudes moyennes et élevées de l’hémisphère nord se réchauffent le plus rapidement« .

Les tendances sur les 30 dernières années montrent que l’augmentation des températures la plus importante se produit dans les hautes latitudes de l’hémisphère nord, avait ajouté la NOAA, comme le montre le graphique ci-dessous.

« Globalement les régions des moyennes et hautes latitudes (dont Europe, Russie, Canada, Finlande, etc) se réchauffent plutôt plus vite que la moyenne des continents… Et donc beaucoup plus vite que la moyenne mondiale« , abonde Aurélien Ribes.

« Les régions polaires se réchauffent plus vite que les régions tropicales, plus on va vers le nord, plus ça se réchauffe vite. Le réchauffement est en particulier maximal dans les régions arctiques. C’est lié à plusieurs effets, notamment la baisse de la rétroaction de la neige : plus la neige fond et moins il y a de rayons solaires qui sont réfléchis. Par conséquent, le sol, qui joue moins ce rôle de miroir, va absorber plus de chaleur et se réchauffer de plus en plus« , complète Camille Risi.

La région arctique s’est ainsi réchauffée depuis 1979 « près de quatre fois plus vite » que le reste du monde selon une étude publiée en août 2022 dans la revue Communications Earth & Environment du groupe Nature (lien archivé ici).

En termes de superficie, la calotte glaciaire du mois de juin en Arctique a diminué en moyenne de 13,4% par décennie entre 1967 et 2018, « soit une perte totale d’environ 2,5 millions de kilomètres carrés, en raison principalement de la hausse de la température de surface de l’air » d’après un rapport spécial du Giec sur l’océan et la cryosphère de 2019 (lien archivé ici).

La masse de la calotte glaciaire du Groenland a ainsi perdu en moyenne 4.890 gigatonnes (milliards de tonnes) entre 1992 et 2020, correspondant à une élévation du niveau moyen de la mer de quelque 13,5 millimètres.

Parmi les autres zones terrestres subissant un réchauffement plus important que la moyenne se trouvent les régions montagneuses. Dans l’Hexagone, « les montagnes se réchauffent deux fois plus vite que les autres écosystèmes : dans les Alpes et les Pyrénées françaises, la température a augmenté de plus deux degrés au cours du XXe siècle, contre 1,4 degré dans le reste de la France« , constate Météo France, cité par le site Vie publique (lien archivé ici).

Une étude cosignée par les chercheurs de l’institut météorologique relevait en 2021 que « l’ensemble des Alpes a perdu, en basse et moyenne altitude, près d’un mois d’enneigement depuis un demi-siècle » (lien archivé ici). Comme pour les zones arctiques, les régions montagneuses perdent donc en capacité de réflexion des rayons solaires – autrement appelé diminution de l’albédo (lien archivé ici).

Il y a un « effet d’amplification » du réchauffement « avec l’altitude« , souligne Camille Risi. En cause notamment : l’augmentation de la part de vapeur d’eau contenue dans l’air qui a un effet réchauffant lorsqu’elle se condense pour former des nuages.

Comme expliqué dans cet article publié sur le site de The Conversation par Kevin Trenberth, climatologue du Centre national américain de recherche sur l’atmosphère (NCAR), l’atmosphère peut contenir environ 7% d’eau supplémentaire pour chaque degré Celsius de réchauffement, causé par les gaz à effet de serre d’origine humaine, et il y a aujourd’hui 5 à 15% de vapeur d’eau en plus dans l’atmosphère qu’avant 1970 (liens archivés ici et ici). Cela a probablement contribué au réchauffement climatique autant que l’augmentation du dioxyde de carbone.

Origine anthropique du réchauffement

Il existe aujourd’hui un consensus scientifique établissant la responsabilité des humains dans le réchauffement. Pourtant, la désinformation sur le climat est récurrente sur les réseaux sociaux, c’est pourquoi l’AFP y dédie régulièrement des articles et a publié des fiches récapitulatives sur certains arguments trompeurs souvent brandis.

Les rapports publiés successivement par le GIEC font la synthèse régulière des connaissances de la communauté scientifique internationale sur le climat en analysant les études publiées. Les anticipations sont affinées au fil des rapports, à mesure aussi que les outils d’étude du climat se perfectionnent.

Dès sa première vague de rapports (lien archivé ici), en 1990-1992, le GIEC se disait « certain » que « les émissions dues aux activités humaines accroissent sensiblement la concentration atmosphérique de gaz à effet de serre » (dioxyde de carbone ou méthane notamment), ce qui allait « renforcer l’effet de serre« , alimentant ainsi un « réchauffement additionnel de la surface de la Terre« .

Les rapports suivants n’ont cessé depuis de le confirmer et le préciser. Le GIEC en est à son sixième rapport (publié en août 2021). La publication du seul groupe I (2.400 pages), qui a travaillé sur plus de 14.000 études, souligne d’emblée le caractère « sans équivoque » du réchauffement provoqué par « les activités humaines« .

La Terre s’était ainsi réchauffée de 1,1°C en 2020 par rapport à la période 1850-1900. Une toute petite partie était liée à la variabilité naturelle du climat (entre -0,23 et +0,23°C), le reste étant provoqué par les activités humaines. Ce réchauffement global devrait avoir atteint 1,5°C dès le début des années 2030.

Partager
Exit mobile version