Discret et mystérieux, le fondateur et patron de la messagerie Telegram, Pavel Durov, s’est enfin exprimé depuis son arrestation et sa mise en examen en France en raison de la publication de contenus illégaux sur sa plate-forme.
Dans un long message publié sur Telegram jeudi 5 septembre, M. Durov trouve « surprenant » d’être tenu responsable du contenu publié par d’autres personnes. « Utiliser des lois datant de l’ère pré-smartphone pour accuser un PDG de crimes commis par des tiers sur la plate-forme qu’il gère est une approche erronée », écrit-il.
Le milliardaire de 39 ans a été arrêté le 24 août à l’aéroport du Bourget, près de Paris, et sa garde à vue s’est achevée le mercredi suivant. Il fait face à de nombreux chefs d’accusation pour son refus de toute modération sur la messagerie Telegram, dont il évalue le nombre d’abonnés à 950 millions dans le monde.
M. Durov dénonce dans son message les affirmations selon lesquelles « Telegram est une sorte de paradis anarchique », les qualifiant d’« absolument fausses ». « Nous supprimons des millions de messages et de chaînes nuisibles chaque jour », insiste-t-il.
Il réfute également les accusations de la France selon lesquelles Paris n’avait pas reçu de réponses de Telegram à ses demandes. Il affirme qu’il a personnellement aidé les autorités françaises à « établir une ligne d’assistance téléphonique avec Telegram pour faire face à la menace terroriste en France ».
Telegram prêt « à quitter ce pays »
Adoptant un ton plus conciliant à la fin de son message, M. Durov reconnaît que la forte hausse du nombre d’utilisateurs de Telegram a généré une situation ayant « permis aux criminels d’abuser plus facilement de notre plate-forme ». « C’est pourquoi je me suis fixé comme objectif personnel de veiller à ce que nous améliorions considérablement les choses à cet égard », déclare-t-il, ajoutant que cette question était analysée « en interne » et que de plus amples détails seraient communiqués à l’avenir.
« J’espère que les événements du mois d’août permettront à Telegram – et au secteur des réseaux sociaux dans son ensemble – de devenir plus sûrs et plus forts », affirme M. Durov qui ajoute que si Telegram ne parvenait pas à s’entendre avec les régulateurs locaux sur le « bon équilibre entre la vie privée et la sécurité » alors « nous serions prêts à quitter ce pays ».
Libéré après quatre jours de garde à vue, Pavel Durov est astreint à un contrôle judiciaire lourd, prévoyant une caution de 5 millions d’euros, un pointage au commissariat deux fois par semaine et l’interdiction de quitter le territoire français. Installé à Dubaï, il a obtenu la nationalité des Emirats arabes unis puis celle de l’île caribéenne Saint-Kitts-et-Nevis, avant d’y ajouter, en août 2021, la citoyenneté française grâce à une procédure rare sur laquelle Paris reste très discret.
Le président Emmanuel Macron avait néanmoins déclaré « assumer totalement » cette naturalisation, dans le cadre d’une « stratégie totalement assumée », concernant des personnalités qui « font l’effort d’apprendre la langue française » et « rayonnent dans le monde ».
Le Monde
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A Moscou, le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, avait averti que ces poursuites contre un « citoyen russe » ne devaient pas « se transformer en persécution politique ».
Edward Snowden et Elon Musk en soutien
Selon une source proche du dossier, Pavel Durov et son frère Nikolaï, cofondateurs de Telegram, faisaient l’objet depuis mars de mandats de recherche émis par la justice française dans le cadre d’une enquête préliminaire.
Parmi les soutiens notoires à l’homme d’affaires, on trouve le lanceur d’alerte américain établi en Russie Edward Snowden ainsi que le magnat de la technologie Elon Musk, qui a publié des posts sous le hashtag #FreePavel.
Fondée en 2013, la messagerie Telegram, qui a toujours affirmé respecter les lois européennes, s’est engagée à ne jamais dévoiler d’informations sur ses utilisateurs.
Une seconde enquête a par ailleurs été ouverte contre M. Durov pour des « violences graves » commises à Paris sur l’un de ses fils né en 2017.