dimanche, octobre 27

Un grand rapprochement entre l’Iran et la Russie est à l’œuvre, et c’est sur les rives de la mer Caspienne qu’il est en train de se jouer. Dans cet espace maritime commun, ces dernières années, Moscou et Téhéran n’ont cessé d’accroître leurs échanges. Qu’il s’agisse de matériaux de construction, de bois, d’engrais ou, depuis peu, d’armement. Au point que des centaines d’entreprises iraniennes ont désormais pignon sur rue dans le port russe d’Astrakhan, au nord de la Caspienne. Or, ce rapprochement doit être prochainement finalisé par la signature d’un accord de coopération stratégique inédit entre les deux puissances régionales. Signature qui fera l’objet d’une soigneuse mise en scène lors « d’une visite spéciale » en Russie, du nouveau chef de l’Etat iranien, Massoud Pezeshkian, a annoncé, jeudi 24 octobre, le président russe, Vladimir Poutine.

Dans la corbeille de fiançailles se niche un vieux projet ravivé, dans la plus grande discrétion, dans l’ombre de la guerre en Ukraine. Un tronçon de voie ferrée d’à peine 162 kilomètres, situé aux confins du Caucase, le long des rives montagneuses de la Caspienne. Dans cet angle mort de la plupart des chancelleries et services de renseignement occidentaux, le président Poutine s’active depuis de longs mois, selon des documents non publics, notamment issus de la JSC Russian Railways, la compagnie des chemins de fer russes, que Le Monde a pu consulter. Et si rien ne vient l’entraver, c’est par là qu’il pourrait réussir à finaliser une des pièces maîtresses de sa grande entreprise de sécession de l’Occident, en même temps qu’un rapprochement majeur avec cet autre banni de la communauté internationale qu’est l’Iran.

Ce petit bout de voie ferrée porte les noms des deux villes qu’il est censé relier à terme : « Racht-Astara ». D’un côté, l’une des plus grandes agglomérations du nord de l’Iran, Racht, 700 000 habitants, autrefois lieu important du commerce de la soie ; de l’autre, Astara, 50 000 habitants, à cheval sur la frontière Iran-Azerbaïdjan. Deux centres urbains clés, qui, s’ils étaient reliés par le train, permettraient à la Russie de franchir une étape décisive dans le contournement des sanctions occidentales.



Un accès direct au golfe Arabo-Persique et à l’océan Indien

En réalité, ce projet ferroviaire est le dernier maillon manquant d’un plan plus vaste : le corridor de transport international Nord-Sud (International North-South Transport Corridor, INSTC), destiné à relier la Russie à l’Inde sur 7 200 kilomètres, via l’Azerbaïdjan et les ports iraniens, en gagnant une vingtaine de jours sur l’itinéraire maritime actuel. Pour rejoindre aujourd’hui, de Saint-Pétersbourg, le port indien de Bombay, en passant par la mer Baltique, les navires marchands russes doivent longer la côte Atlantique, traverser la Méditerranée, puis emprunter le canal de Suez et la mer Rouge, avant de rejoindre le golfe d’Aden. Au total, une route de plus de 16 000 kilomètres, qui prend de trente à quarante-cinq jours. En passant par l’intérieur des terres et la mer Caspienne, le trajet est bien plus court, mais il implique actuellement de nombreuses ruptures de charges (train, route, bateau). Une autre possibilité existe certes sous la forme d’une voie ferrée, à l’est de la Caspienne, mais elle fait un long détour par le Kazakhstan et le Turkménistan.

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