Ici, tout semble conçu pour la détente. Certains profitent du sauna, d’autres d’une séance de massage avant d’aller assister à un cours de yoga ou de s’asseoir pour contempler les contreforts du Vercors à travers la baie vitrée. Dans cette vaste maison drômoise aménagée dans une ancienne ferme, la quinzaine de séjournants de Clairière & Canopée (C&C) présents en ce week-end de mai pluvieux tentent d’affronter le plus confortablement possible leur adversaire commun : la faim.
Guillaume Charroin, 39 ans, à la tête de cette entreprise qui propose des séjours de jeûne, tente ainsi d’éviter à ses clients ce qu’il a subi lors de sa première expérience. C’était en 2007 et il s’en souvient encore, douloureusement. Agé de 22 ans, il vient de terminer ses études de tourisme à Toulouse et ressent le besoin de « vivre une expérience initiatique ». Avec un ami, ils optent pour le jeûne, « par curiosité ». Ils décident de se priver de nourriture pendant une semaine.
« Mais nous avons fait tout ce qu’il ne fallait pas faire ! » Son ami et lui décident en effet de le faire dans leur maison, où ils vivent avec cinq colocataires, plutôt bon vivants, et en plein centre-ville, « où les tentations sont nombreuses ». Alors qu’il est conseillé d’avoir une légère activité physique, « pour que le corps continue de produire de l’énergie », les deux hommes passent leurs journées « à ne rien faire ». « C’était vraiment difficile, nous ne pensions qu’à manger », se remémore-t-il. Mais les deux compagnons tiennent.
« Un allègement du mental »
A l’époque, Guillaume Charroin ne savait pas encore qu’il allait y consacrer une partie de sa vie. Aujourd’hui, à l’aube de la quarantaine, il pratique un jeûne d’une semaine au moins une fois par an, en plus de la gestion de C&C, fondée il y a sept ans. Comment une expérience désagréable se transforme-t-elle en vocation ? « Même si c’était douloureux, une magie a opéré, assure Guillaume Charroin. J’avais développé une forme de clairvoyance, un allègement du mental. Lorsqu’on jeûne, notre ancrage dans le réel est différent », théorise-t-il, évoquant aussi une « expérience de dépouillement », une manière de « déconstruire la peur de la faim ».
Guillaume Charroin décide d’en faire son métier après un voyage en Amérique du Sud et du Nord, avec le même ami. « Notre expérience du jeûne nous a appris à moins nous soucier des conditions matérielles. Nous dormions et mangions dans la nature ou chez l’habitant. Libérés de cette charge mentale, nous étions davantage reliés aux autres et à notre environnement. »
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