jeudi, juin 27

La revue des revues. Comment le racisme vient aux enfants ? Répondre à cette question nous aidera à combattre ce fléau en sachant « saisir les jeunes consciences le plus tôt possible ». C’est l’avis d’Emmanuel Debono, rédacteur en chef du Droit de vivre (DDV), la revue de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), qui consacre son édition de printemps à cette thématique. Un premier constat s’impose : la littérature scientifique dans ce domaine reste limitée. Le DDV réussit néanmoins à réunir différents spécialistes pour aborder ce grave sujet.

Le professeur de psychologie du développement Pascal Mallet remarque dans son article que les enfants ne sont pas « exempts de croyances discriminatoires ». A 3 mois déjà, les bébés préfèrent les visages de leur ethnie. A l’école, garçons et filles mettent à distance leurs camarades de classe trisomiques, présentant un trouble du spectre autistique ou une déficience intellectuelle. Des attitudes hostiles ont également été observées dans les établissements scolaires sur la base de stéréotypes sociaux, qui peuvent mener à l’adoption de préjugés xénophobes, lorsqu’un groupe ethnique est associé à une situation défavorisée.

Pour autant, si les enfants ont tendance à essentialiser, ces généralisations ne suffisent pas à faire naître en eux l’idée de « race », souligne le chercheur. « C’est par les ségrégations traversant la population humaine et par les théories qu’elles suscitent et soutiennent que les idées de race et racisme peuvent, dès 3 à 4 ans, venir aux enfants. »

« L’empathie peut être piégée »

Dans un entretien recueilli par l’orthophoniste et psychanalyste Alexandra Demarigny, le psychiatre David Gourion souligne pour sa part comment « l’empathie peut être piégée, volée, détournée, détroussée par des manipulateurs ou simplement par l’éducation ». Pour éviter que nos enfants soient enclins au repli, il prône « une diversification précoce des groupes sociaux » auxquels ils sont exposés. C’est ce qui permet de venir à bout des « biais empathiques » que nous développons envers certains.

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Ces préférences peuvent, par effet miroir, nous amener à exclure ceux qui ne nous inspirent pas cette confiance instinctive. Dès lors, un langage déjà présent au sein de la société vient se greffer pour permettre au racisme de se diffuser dans la cour de récréation. David Gourion confie d’ailleurs recevoir régulièrement des jeunes victimes de racisme ou d’antisémitisme. En 2022, un peu plus de 4 % des collégiens déclaraient avoir été insultés en raison de leur origine ou de leur couleur de peau, ou 0,1 % par rapport à leur religion, d’après une enquête conduite par l’éducation nationale. C’était bien avant l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 en Israël. Depuis, 1 434 actes antisémites et racistes ont été recensés dans les écoles de France, la hausse étant particulièrement sensible dans le primaire.

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