Le paradoxe n’a pas échappé à la Cour des comptes. Dans son rapport intitulé « L’aide fiscale à l’investissement locatif Pinel », publié jeudi 5 septembre, l’institution relève que le gouvernement a présenté en 2023 « un plan pour répondre à la crise du logement », dont l’une des principales mesures était « l’extinction au 31 décembre 2024 du dispositif Pinel ». Or cet avantage fiscal d’incitation à l’investissement locatif a justement été conçu afin de relancer la construction de logements, en particulier des logements locatifs privés dits « intermédiaires » (pour les ménages plutôt modestes), en zones tendues.
Alors que nombre de Français rencontrent de grandes difficultés à se loger à un prix abordable, le moment était-il bien choisi ? En rayant « le Pinel » d’un trait de plume, le gouvernement d’Elisabeth Borne a clos une parenthèse de quarante ans de politique de défiscalisation, commencée en 1984 avec « le Quilès », dispositif qui avait pris le nom du ministre du logement de l’époque, sans « mesures précises quant aux alternatives envisagées », soulignent les magistrats financiers.
Dans un contexte budgétaire extrêmement tendu, l’exécutif a toutefois jugé la niche fiscale « Pinel » inefficace et trop coûteuse pour les finances publiques. Sur la période 2014-2021, le montant cumulé de défiscalisation s’est élevé à plus de 4 milliards d’euros.
Bilan contrasté
La Cour des comptes en tire, elle, un bilan contrasté. « Le dispositif Pinel ne remplit qu’imparfaitement les objectifs de construction et de rénovation de logements dans les zones tendues », déplore-t-elle. Comme l’administration n’a pas été en mesure de lui fournir le chiffre des logements construits grâce au Pinel, son évaluation s’en est toutefois trouvée entravée. « En l’absence d’objectifs précis de construction », le dispositif « n’a manifestement pas été conçu pour mesurer l’augmentation de l’offre de logements locatifs intermédiaires alors qu’il s’agit de la raison d’être de cette défiscalisation », pointe le rapport. Il ressort cependant de l’enquête de la Cour « que les résidences Pinel sont majoritairement situées en zone tendue et non très tendue ».
Autre écueil, le Pinel ne répond que « temporairement aux besoins de logement » des ménages ciblés. La niche fiscale se voit en effet accordée sous certaines conditions : les propriétaires doivent accepter le plafonnement des loyers et des revenus du locataire, pour une durée d’engagement de location de six, neuf ou douze ans.
Les bailleurs sont donc « logiquement » plus enclins à vendre ou à récupérer leur bien à l’issue de cette période d’engagement, plutôt que de le maintenir en location sous un double plafond. Et ce d’autant plus que la revente du bien est « très souvent » le principal moyen de rendre le Pinel financièrement attractif pour l’investisseur.
Il vous reste 34.54% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.