dimanche, novembre 24

Le mal-être des maires a été au centre de leur 106e congrès qui s’est tenu ces derniers jours à Paris.
Le cyberharcèlement représente un quart des agressions visant les élus locaux.
« Quand il y a un grain de sable dans votre vie personnelle et sur la durée, ça peut faire très mal. On en arrive à ne plus avoir de goût », racontait l’un d’eux à TF1info il y a quelques mois.

La santé mentale et le mal-être des maires figuraient au menu du 106e congrès des maires de France. La semaine dernière, une étude publiée par l’Association des maires de France (AMF) révélait que plus de huit maires sur dix estimaient que leur santé physique ou mentale était affectée par leur mandat . Elle précise que les coups de fatigue, les moments de lassitude ou les troubles du sommeil des élus sont notamment causés par des « attaques brutales sur les réseaux sociaux ». En novembre 2023, le ministère de l’Intérieur estimait que le cyberharcèlement représentait un quart des atteintes faites aux élus (qui concernaient elles 6 maires sur 10). Un chiffre en augmentation, contrairement aux attaques physiques.

« Etre élu local c’est une vocation, c’est une passion (…) mais ils sont au bout du rouleau », expliquait le maire PS de Saint-Ouen Karim Bouamrane ce jeudi matin sur LCI, évoquant comme causes la « pression psychologique » et « un problème de cyberharcèlement ». Il estime que pèse « systématiquement » sur les maires une « présomption de culpabilité » et dénonçait une « espèce de justice digitale qui s’est imposée et qui est d’une violence inouïe ».  

Une déclaration que vient confirmer la plainte déposée ce jeudi par le maire de Clermont-Ferrand Olivier Bianchi après la diffusion sur le réseau social X d’une vidéo « violente » à son égard et à l’égard d’autres élus de sa ville ou de son département. Dans cette vidéo, générée par intelligence artificielle, on peut voir le visage de l’édile ainsi que celui de deux de ses adjoints écrasés, tandis que celui du député écologiste du Puy-de-Dôme Nicolas Bonnet est découpé avec une lame. « Je déplore et je condamne cette violence symbolique contre des élus locaux qui s’inscrit dans un climat national de plus en plus délétère », a-t-il déclaré dans un communiqué. « Délétère et dangereux car nous avons déjà connu plusieurs agressions physiques, parfois très graves, contre des élus qui ont suivi de telles images dégradantes ou des insultes en ligne. »

Si vous répondez aux critiques sur les réseaux vous alimentez la bête, si vous n’y répondez pas vous laissez la fake news se diffuser. »

André Hartereau

Les témoignages dans ce sens sont légions, il ne faut pas creuser très longtemps pour en trouver quantité. En avril 2023, l’ancien maire d’Hennebont (Morbihan) André Hartereau racontait à TF1info les raisons de sa démission en 2021, et évoquait parmi elles l’impact nocif des réseaux sociaux sur sa santé mentale. « Si vous répondez aux critiques sur les réseaux vous alimentez la bête, si vous n’y répondez pas vous laissez la fake news se diffuser », déplorait-il. « Il y a des jours où vous acceptez, quand vous êtes en forme ça n’a pas d’importance. D’autres, ça vous fait mal, notamment quand il y a un grain de sable dans votre vie personnelle, et sur la durée ça peut même faire très mal. On en arrive à ne plus avoir de goût. »

Il y a sept mois, la maire de Besançon (Doubs) avait annoncé porter plainte après avoir été la cible d’un cyberharcèlement « d’une extrême violence » faisant suite à une première plainte de l’élue contre des pancartes anti-migrants brandies lors du carnaval de sa ville. « J’ai subi un harcèlement ciblé et coordonné » dont « des appels à commettre des crimes à mon encontre, dont des menaces de viol, j’ai reçu des centaines d’injures et propos haineux ou dégradants », avait déclaré Anne Vignot. 

Fin octobre, la mairie d’Annecy avaient déposé plainte pour du cyberharcèlement visant plusieurs de ses élus. « Portés par un sentiment d’impunité, (…) une poignée de comptes particulièrement actifs sur les réseaux sociaux mènent de véritables campagnes de harcèlement en ligne, de rumeurs infondées et pernicieuses et de désinformation à l’égard de l’équipe municipale d’Annecy », indiquait-elle dans un communiqué.

« J’ai les cheveux qui ont un peu plus blanchi avec ça »

En novembre 2023 le maire de Saint-Gervais Jean-Marc Peillex racontait son calvaire après des années de cyberharcèlement, débutées en 2020 à l’occasion d’un visite du président Emmanuel Macron dans sa commune. Il avait reçu jusqu’à « 800 messages de menaces » en deux jours. « Ça vous touche parce qu’au bout d’un moment, c’est déstabilisant, c’est inquiétant. Vous ne savez pas jusqu’où les menaces peuvent aller. Moi, j’ai physiquement eu des conséquences. J’ai les cheveux qui ont un peu plus blanchi avec ça. Je résiste, mais c’est un vrai challenge aujourd’hui d’être confronté à ces extrémistes », racontait-elle à France info. 

Ce mercredi 20 novembre, toujours auprès de France Info, le maire de Laval (Mayenne) Florian Bercault racontait comment il avait été cyberharcelé pour avoir dansé lors d’une fête de la communauté guinéenne dans sa commune. « Une vidéo a été prise et mise sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok. Toute la fachosphère s’en est emparée et a tourné en dérision la vidéo, avec des insultes et des menaces de mort. Ce sont des centaines de messages reçus sur les réseaux, c’est très violent, ça tombe d’un coup. » 

Ce cyberharcèlement touche tous les élus. La députée écologiste de Paris Sandrine Rousseau a souvent pris la parole pour dénoncer le cyber-harcèlement permanent dont elle est victime. « Il faut bien comprendre que ces violences-là ne sont pas des petites violences, des sous-violences. Se faire insulter, cracher à la gueule toute la journée, ce n’est pas sans impact sur notre santé psychique, sur le fait qu’on se sente bien ou pas », racontait-elle à TF1info. « Aujourd’hui je ne marche plus jamais dans la rue sans être en hyper vigilance, quand je prends le métro je ne me mets jamais au bord du quai, jamais. Je me colle au mur. Je reçois tellement de choses que je me dis ‘ces gens existent’, donc qui me dit qu’un jour je ne vais pas croiser le chemin de l’un d’entre eux », ajoutait-elle. 

Porter plainte systématiquement

Le problème dans ces situations est que les auteurs sont très difficiles à identifier et à condamner. Toutefois, les autorités politiques et les forces de l’ordre incitent les élus à systématiquement porter plainte. Dans la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux les peines encourues pour violences contre des élus locaux ou nationaux  ont été alignées sur celles visant les violences volontaires sur agents des forces de sécurité (jusqu’à 7 ou 10 ans de prison dans les cas les plus graves). Le cyber-harcèlement a été ajouté comme circonstance aggravante, et la peine encourue pour un cyberharcèlement peut aller jusqu’à 3 ans de prison et 45.000 euros d’amende.


Justine FAURE

Partager
Exit mobile version