dimanche, mai 12

Dans le monde discret du renseignement criminel, il s’agit d’une petite révolution : ne plus étudier le crime organisé à travers les marchés illégaux qu’il investit, mais en analysant sa structure même. De ce point de vue, le panorama sur les 821 organisations criminelles les plus menaçantes d’Europe, établi par Europol, l’agence européenne de coopération policière, se révèle glaçant. Selon l’étude et des éléments plus confidentiels auxquels Le Monde a eu accès, les réseaux qu’il décrit, puissants, fonctionnent selon les standards de véritables multinationales du crime. « Une menace majeure pour la sécurité intérieure de l’Union européenne », affirme le document de 60 pages paru le 5 avril, qui décrit un phénomène en pleine expansion.

A la différence d’autres Etats, comme l’Italie ou les Pays-Bas, la France n’y apparaît pas vraiment comme la base arrière d’organisations tentaculaires, plutôt comme une cible pour des filières d’importation de drogue ou, plus surprenant, des réseaux de cambrioleurs itinérants. Mais si « les réseaux criminels composés uniquement de membres français » opèrent essentiellement sur le territoire national, ils s’étendent aussi, grâce à des « connexions avec plus de quinze autres pays, dont la Belgique, les Pays-Bas, le Portugal et l’Espagne dans l’Union européenne, ainsi que les Emirats arabes unis », expose Europol.

L’intérêt de l’étude tient à une approche nouvelle, sinon novatrice : quand les rapports d’organismes internationaux s’attachent généralement à la description de secteurs d’activité illégale, comme le trafic de drogue ou la cyberdélinquance, celle-ci fournit un gros plan sur les groupes criminels eux-mêmes, leur structuration, le niveau de contrôle territorial qu’ils sont capables d’exercer, leur longévité, leurs stratégies de coopération. « Il s’agit d’un changement complet de méthodologie », explique Claire Georges, responsable de la communication d’Europol. Pour « rendre visible l’invisible », complète Catherine De Bolle, directrice exécutive de l’organisme international, dans un avant-propos au rapport.

Un « recours à une structure commerciale légale »

Ce dernier synthétise les contributions des vingt-sept Etats membres de l’Union européenne et d’une dizaine de pays tiers, dont la liste précise n’est pas communiquée, mais où figurent notamment, d’après nos informations, les Etats-Unis, plusieurs pays d’Amérique latine ou l’Australie. Après avoir défini un certain nombre d’indicateurs communs (niveau de corruption, d’infiltration dans l’économie légale, de recours à la violence), tous ont répondu à un questionnaire détaillé élaboré par Europol. Aucun nom, pas le moindre visage, en revanche, dans ces 60 pages. Ceux-ci sont consignés dans une version ultra-confidentielle transmise aux services spécialisés des Etats concernés. Ce véritable annuaire international du crime organisé ne recense pas moins de 25 000 membres.

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