vendredi, novembre 29

Plus les échéances budgétaires approchent, plus la nasse se resserre autour du premier ministre, dont l’avenir ne tient désormais qu’à un fil, celui tiré par Marine Le Pen. Dans un entretien au Figaro le 28 novembre, Michel Barnier distille trois annonces pour tenter d’échapper à la censure qui menace d’ici à Noël son gouvernement à l’occasion du vote des lois de finances et de financement de la Sécurité sociale. Il renonce à augmenter les taxes sur l’électricité, qui devaient rapporter 3 milliards d’euros en 2025 ; il s’engage à revoir à la baisse l’aide médicale d’Etat qui permet l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière sous conditions de résidence et de ressource ; il annonce pour le début du printemps un projet de loi visant à introduire la proportionnelle dans le scrutin législatif.

S’il ne précise jamais que le tout est spécifiquement destiné à faire baisser la température du côté du Rassemblement national (RN), son intention est à la fois limpide et mal payée de retour. Jugeant la barque trop légère, Marine Le Pen lui a donné jusqu’à lundi, date à laquelle le projet de loi de financement de la Sécurité sociale doit revenir devant l’Assemblée nationale, pour enrichir sa copie.

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Ce n’est pas une négociation mais une forme de chantage à la reconnaissance qu’a entreprise la présidente du groupe parlementaire RN en exploitant l’impasse dans laquelle se trouve Michel Barnier : près de 10 milliards d’euros ont été concédés tout au long de la discussion budgétaire, alors que la France est censée ramener son déficit public de 6 % à 5 % du produit intérieur brut en 2025, et pourtant aucun compromis global n’a pu être trouvé avec les partis dits de gouvernement. Les socialistes ont annoncé mercredi qu’ils censureraient, comme le reste de la gauche, les textes financiers, faute d’avoir été pris en considération. De fait, l’essentiel des aménagements n’a servi qu’à satisfaire l’exigence des groupes dits du « socle commun », Les Républicains (LR) et Ensemble pour la République (EPR), dont le manque de solidarité est patent.

Défausse collective

En acceptant d’être nommé à Matignon par un président de la République qui venait de torpiller sa majorité, Michel Barnier savait que sa mission serait éprouvante. Il n’avait sans doute pas mesuré à quel point la culture du compromis reste étrangère au pays et combien le sérieux budgétaire y est une donnée relative. La perspective que la France puisse se retrouver dans quelques jours ou quelques semaines sans budget et sans gouvernement, parce que la gauche et le RN, pourtant opposés sur tout, l’auraient décidé, n’a pas créé à ce stade le moindre électrochoc.

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De cette défausse collective, Marine Le Pen est devenue la première bénéficiaire. La pression qu’elle exerce sur le premier ministre sans que personne ne sache si elle renoncera in fine à le faire tomber lui permet d’occuper le premier plan de la scène politique, alors qu’elle est sous la menace d’une inéligibilité dans le procès des assistants parlementaires européens du Front national (devenu Rassemblement national). Au moment où LFI tentait en vain, jeudi 28 novembre, de faire voter l’abolition de la réforme des retraites, elle pouvait se targuer de tenir entre ses mains le sort du gouvernement.

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Pour ne pas terminer comme le pendu au bout de la corde, Michel Barnier va devoir peser au trébuchet le niveau d’écoute et de concession qu’il peut accorder à un parti qui a été jusqu’à présent tenu en lisière de l’arc républicain. Issu de la droite modérée, il s’est toujours situé à distance de ceux qui voulaient pactiser avec le RN. Il ne dispose que de quelques jours pour sauver son crédit.

Le Monde

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