Dix ans après son retour dans la chaîne des Pyrénées françaises, le carnet de santé du bouquetin n’affiche que des signaux positifs, mais la vigilance reste de mise. Disparu peu à peu du massif il y a un siècle, décimé par la chasse, le petit animal aux cornes en forme de lyre prolifère, après des opérations de réintroductions menées depuis 2014. Selon Eric Sourp, chargé de mission au sein du parc national des Pyrénées, « la population atteint aujourd’hui environ 500 individus, après 162 lâchers sur trois sites principaux, à Luz-Gavarnie (Hautes-Pyrénées), la vallée de Cauterets (Hautes-Pyrénées) et la vallée d’Aspe (Pyrénées-Atlantiques) ».
Le responsable depuis 2008 de cet ambitieux projet se félicite surtout « de la très bonne santé des animaux, avec très peu de mortalité, et des taux de reproduction très satisfaisants. » Amenés d’Espagne, du parc national de la Sierra de Guadarrama dans les provinces de Madrid et de Ségovie, les spécimens de Capra pyrenaica passent tous des tests sanitaires – et sont même parfois soumis à une période de quarantaine – avant d’être relâchés dans leur nouvel habitat, qu’ils apprivoisent en un rien de temps.
Pour marquer cet anniversaire, Jean-Paul Crampe, 74 ans, parcourt actuellement les vallées pour diffuser deux documentaires consacrés à l’animal docile, à la robe brune, qui aime de promener en hardes sur les reliefs très pentus. Cet ancien agent du parc a mené, dès les années 1980, des études pour son retour. Il ne passe pas une journée sans aller l’observer et le filmer.
« Un animal pacificateur »
Lundi 22 juillet, c’est à Etsaut (Pyrénées-Atlantiques), village planté sur les contreforts de la vallée d’Aspe, qu’il a répondu aux questions d’une trentaine de touristes, habitants de la vallée ou passionnés de biodiversité. Il y a rappelé « la robustesse et la grande capacité d’adaptation » de l’animal, son « espérance de vie d’environ 20 ans » et cette « séparation entre mâles et femelles, qui se regroupent seulement l’hiver pour le rut ». Au printemps, des jeux et combats ont lieu entre mâles, parfois dotés de cornes de près de 10 kg. Les femelles font preuve d’une attention constance envers les cabris, qui apprennent, l’été, à se mouvoir sur les pentes abruptes.
Selon Jean-Paul Crampe, « le bouquetin est un animal pacificateur. Il vit paisiblement car il n’a pas de prédateurs naturels ». Ni humains, car, depuis 2010, l’espèce est protégée en France, contrairement à l’Espagne ou la Suisse où sa chasse est toujours autorisée et même prisée. Craignant la propagation de maladies, le monde pastoral a été associé au processus de réintroduction. Dans les Pyrénées, on veut éviter ce qu’il s’est passé dans les Alpes où, en 2022, des dizaines de bouquetins des Alpes (Capra ibex) ont dû être abattus. En cause, l’apparition de la brucellose dans le massif du Bargy, en Haute-Savoie. Cette maladie infectieuse potentiellement transmissible au bétail et à l’homme, avait été détectée dans un troupeau de vaches, potentiellement transmise par des bouquetins.
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