Entouré de ses proches, l’abbé Pierre aimait prononcer cette supplique : « Mon Dieu, gardez-nous d’être jamais voleurs d’aumônes. » Attribués à saint François d’Assise, le fondateur des capucins, ces mots devaient certainement lui rappeler ses huit années passées au sein de l’ordre religieux, qu’il quitta en 1939 pour devenir vicaire dans le diocèse de Grenoble. Aussi iconoclaste soit-elle, une question se pose désormais : cette imploration si chère à son âme, l’a-t-il bien respectée ? Malheureusement, qui peut encore le croire aujourd’hui ?
Depuis les révélations, en juillet 2024, sur les agressions sexuelles dont l’ecclésiastique s’est rendu coupable, la France sidérée a découvert la face sombre de son héros national : un menteur, un manipulateur et un prédateur. Scandale derrière le scandale, l’ecclésiastique si soucieux de son allure de miséreux était aussi un homme d’argent, comme l’a souligné le premier volet de l’enquête du Monde. « Si je comprends bien, résume un frère capucin horrifié par l’ampleur de ce désastre, l’abbé a renié les trois vœux qu’il avait prononcés chez nous – chasteté, obéissance et pauvreté – pour les transformer en sexe, pouvoir et argent. C’est vraiment terrifiant. »
Revenons sur la teneur de ses gains. L’abbé Pierre, né Henri Grouès en 1912, disposait de revenus personnels basés sur ses copieux droits d’auteur (qu’il ne mutualisait pas), auxquels s’ajoutaient, l’âge aidant, ses retraites d’ex-député et d’ancien prêtre diocésain. Pour le reste, il naviguait en eaux troubles, ayant la fâcheuse habitude de confondre ses finances avec celles de son œuvre sociale, largement tributaire de la générosité de donateurs privés et du fruit du travail acharné des chiffonniers d’Emmaüs. Que faisait-il de tout cet argent ? Du bien, c’est incontestable, mais du mal aussi, énormément de mal.
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