L’Assemblée nationale a adopté jeudi, lors de la journée réservée aux propositions du groupe socialiste, deux propositions de loi visant à mieux protéger les mineurs, dont l’une à l’unanimité, pour garantir un avocat à chaque enfant placé ou suivi dans sa famille par des services sociaux.
Ce texte, examiné en première lecture et qui devra maintenant être inscrit à l’ordre du jour du Sénat, a été adopté avec les voix de 269 députés (aucun contre, une abstention).
« Grâce à cette loi, aucun enfant ne traversera seul les couloirs de la justice », a déclaré la députée socialiste porteuse du texte, Ayda Hadizadeh. « Un avocat, c’est la sentinelle, c’est celui qui vérifie, qui questionne, qui alerte, qui rend audible ce qui, sans lui, resterait étouffé. »
Environ 380.000 jeunes sont concernés par des mesures d’assistance éducative. Ces enfants sont, sur décision d’un juge le plus souvent, placés en famille d’accueil ou en foyer, ou bien suivis directement dans leur famille.
Le plus souvent ces enfants ne sont pas assistés d’un avocat, même s’ils peuvent en faire la demande ou s’en voir désigner un par un juge, lorsqu’ils sont capables de discernement.
La proposition de loi a été débattue alors que la révélation d’une vidéo d’un enfant tondu malgré lui par des éducateurs, dans un foyer d’enfants placés à Paris, a suscité l’émoi.
Si cet enfant avait eu un « avocat à lui », les faits auraient été révélés « bien avant à l’autorité judiciaire », a estimé auprès de l’AFP Lyes Louffok, co-fondateur de l’association Comité de vigilance des enfants placés, soutenant le texte.
« Ca fait très très longtemps que les anciens enfants placés demandent cette loi », a-t-il ajouté, en se disant « débordé de bonheur ».
– « Passer à l’action » –
L’initiative socialiste avait récemment reçu le soutien du ministre de la Justice Gérald Darmanin. Mais, jeudi, sa collègue à la Santé Stéphanie Rist, s’est montrée moins enthousiaste.
« Au-delà d’un effort budgétaire important » (estimé à plus de 200 millions d’euros), le texte nécessite « la mobilisation de moyens humains qui ne pourront pas être déployés à court terme », a-t-elle prévenu dans l’hémicycle. Avec « le risque d’une désorganisation et d’une saturation de nos juridictions. »
Elle a soutenu un amendement de députés Les Républicains -qui n’a pas été adopté- proposant une expérimentation préalable de deux ans dans quatre tribunaux judiciaires.
Plusieurs députés ont pointé qu’une expérimentation a déjà été réalisée par le tribunal judiciaire de Nanterre, et qu’une autre est en cours à Bourges.
« Un avocat aux côtés d’un enfant, c’est lui signifier: tu n’es pas seul », a abondé Caroline Yadan (groupe macroniste). L’avocat, indépendant des familles ou de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), pourra « porter la parole » de l’enfant, « expliquer » les décisions, puis en « suivre la mise en oeuvre », a-t-elle argumenté.
Stéphanie Rist a par ailleurs déclaré que la présentation d’un projet de loi sur la protection de l’enfance était prévue « au premier trimestre 2026 ».
– Mineurs isolés –
Dans la foulée, l’Assemblée a adopté une proposition de loi permettant à des jeunes isolés dont on évalue qu’ils sont majeurs de conserver l’accès à certaines protections, comme l’hébergement d’urgence, lorsqu’ils formulent un recours contre cette décision.
« Aujourd’hui des enfants et des adolescents dorment seuls à la rue », a martelé le député PS -et candidat à la mairie de Paris- Emmanuel Grégoire, à l’initiative du texte. Il a défendu cette « présomption de minorité » en dénonçant des situations « inacceptables sur le plan humanitaire ».
La solution proposée « présente des risques (…) de saturation des dispositifs de mise à l’abri », a estimé Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’Autonomie.
La députée Modem Perrine Goulet a elle mis en garde contre un « appel d’air ». « Demain, si je suis un étranger qui vient en France, je sais que si je me déclare mineur, pendant un an je suis mis à l’abri », a-t-elle affirmé.
Mais la gauche, bien plus mobilisée, a fait adopter le texte par 144 voix contre 100.
Autre initiative qui pourra faire polémique dans l’hémicycle jeudi: un texte pour renouveler automatiquement des titres de séjour longue durée pour les étrangers (cartes de séjour pluriannuelle ou carte de résident).
Pour commencer la journée, l’Assemblée a par ailleurs définitivement adopté un texte transcrivant un accord attendu sur la protection sociale des agents territoriaux.
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