lundi, mai 20

Gocha Javakhishvili, ambassadeur de Géorgie en France, a annoncé jeudi 9 mai sa démission en raison du retour au Parlement du projet de loi controversé sur « l’influence étrangère », contre lequel des milliers de Géorgiens manifestent depuis près d’un mois. C’est le premier fonctionnaire géorgien d’un tel niveau à quitter ses fonctions en signe de protestation. Dans une interview au Monde, ce diplomate de 57 ans qui n’a jamais milité dans un parti politique dit avoir agi pour défendre son « honneur » et appelle son gouvernement à retirer ce projet de loi, calqué sur une loi russe qui vise à réduire au silence la société civile et les médias indépendants et menace l’intégration européenne de la Géorgie.

Pourquoi avez-vous décidé de démissionner ?

C’est une question de principe et d’honneur. J’appelle au retrait de ce projet de loi. Je ne veux pas me lancer dans des débats politiques ni gagner des points auprès de l’opposition – je suis fonctionnaire et n’ai de préférence pour aucun parti politique. Je suis fier du dynamisme de la société civile géorgienne. L’étiqueter comme « agent de l’étranger » est réducteur car elle a un rôle vital pour la démocratie.

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J’avais déjà manifesté mon désaccord lors de la première introduction du texte au Parlement en mars 2023. Face aux protestations de la population, le gouvernement l’avait retiré. Avec le retour du projet de loi, je me suis retrouvé dans une situation très inconfortable, notamment face à mes interlocuteurs, à l’Elysée et au Quai d’Orsay, à qui j’avais promis qu’il avait été abandonné et qu’on n’y reviendrait jamais. De plus, j’aurais du mal à trouver des arguments pour leur expliquer pourquoi il est de retour aujourd’hui. Cette situation ne me permettait plus de porter le message européen de mon pays. J’avais peur d’être hypocrite, donc je ne pouvais pas imaginer continuer mes fonctions.

J’ai écrit une lettre de démission au ministère des affaires étrangères dès le 17 avril [quand le projet de loi a été adopté en première lecture]. Mais comme je suis nommé par la présidente, il faut qu’elle la signe. Cela devrait intervenir très bientôt. Peut-être que mon départ va faire réfléchir ceux qui soutiennent l’adoption de cette loi.

Savez-vous si d’autres représentants géorgiens comptent démissionner eux aussi ?

Je n’ai pas échangé avec mes collègues, mais la plupart sont profondément proeuropéens. Je n’exclus pas que mon exemple soit suivi, mais ce n’était pas mon objectif. Chacun fera selon sa conscience.

J’ai déjà attendu un certain temps. Je me disais : « Ils vont écouter les recommandations de nos partenaires et changer d’avis ». Mais quand j’ai accompagné une délégation de sénateurs français en Géorgie et que les dirigeants leur disaient que c’était une loi « anodine » qui protégerait des « ingérences étrangères », j’ai senti leur détermination à adopter la loi. Je ne suis pas très optimiste, mais je m’accroche à l’espoir qu’ils vont quand même la modifier ou la retirer.

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