mardi, mai 21
Manifestation d’agriculteurs, à Bruxelles, le 26 février 2024.

En Europe, l’agriculture n’est décidément pas un sujet comme les autres. La crise qui a secoué le monde paysan en ce début d’année a vu, en un temps record, les Vingt-Sept prendre des mesures radicales pour y répondre. Le verdissement de la politique agricole commune (PAC) a été en grande partie sacrifié, l’aide à l’Ukraine réduite et l’accord de libre-échange avec le Marché commun du Sud (Mercosur) renvoyé à plus tard. Quant au Pacte vert, imaginé pour amener l’Union européenne (UE) à la neutralité carbone d’ici à 2050, il épargne largement les agriculteurs, malgré l’urgence de la lutte contre le changement climatique.

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Il y a un décalage entre le poids du monde agricole sur le Vieux Continent et l’importance de la PAC, qui permet de distribuer partout en Europe plus de 50 milliards d’euros d’aides par an et représente un tiers du budget communautaire. Mais, comme le martèle le président Emmanuel Macron, la PAC, qui reste aujourd’hui le premier poste de dépenses de l’UE, doit, d’abord et avant tout, assurer aux Vingt-Sept leur « souveraineté alimentaire ».

L’histoire récente a, en effet, montré qu’il pouvait être dangereux de dépendre de pays tiers qui ne sont pas toujours très amicaux : les Européens se souviendront longtemps de leur impuissance face à une Chine qui refusait de leur vendre des masques durant la crise liée au Covid-19 ou des conséquences de la décision de Moscou de leur couper le robinet du gaz.

Crainte d’un mouvement d’ampleur

Ce n’est pas tout. A l’approche des élections européennes, prévues du 6 au 9 juin, les Vingt-Sept, au premier rang desquels la France, redoutaient que la colère rurale nourrisse un mouvement du type de celui des « gilets jaunes » à l’échelle communautaire et qu’elle alimente un vote d’extrême droite déjà en forte progression, à en croire les sondages.

« Vladimir Poutine et ses amis font tout ce qui est en leur pouvoir pour empoisonner le débat public partout en Europe », accusait Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, le 23 février, dénonçant l’instrumentalisation par le Kremlin de certaines manifestations d’agriculteurs. Dans les défilés, on a vu « des personnes qui ne cachent pas leur soutien au Kremlin et poursuivent d’autres objectifs que l’intérêt des agriculteurs », assurait ainsi le premier ministre tchèque, Petr Fiala, sur le réseau social X, le 19 février.

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Dans ce contexte, les Vingt-Sept n’ont pas hésité quand, en janvier, les agriculteurs ont manifesté partout en Europe, de la France à l’Allemagne, de l’Italie aux Pays-Bas, en passant par l’Espagne, le Portugal, la Roumanie, la Pologne ou la Hongrie. Au cœur de leurs récriminations, l’Union européenne (UE), qu’ils accusaient, en vrac, d’avoir conçu une PAC trop bureaucratique, conclu des accords commerciaux à leur désavantage, adopté un Pacte vert coûteux ou organisé la concurrence déloyale des produits ukrainiens, libres d’entrer sur le marché intérieur sans droits de douane depuis le début de la guerre.

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