jeudi, septembre 19

Livre. Le point de départ de La Vie sociale des haies. Enquête sur l’écologisation des mœurs (La Découverte, 224 pages, 22 euros) est un constat : la nécessité de préserver les haies pour des raisons environnementales (protection de la biodiversité, stockage du carbone…) s’est progressivement imposée jusqu’à faire, en apparence, consensus. « Il y a quelques dizaines d’années à peine, un agriculteur percevait des aides publiques pour détruire une haie ; aujourd’hui, le même acte l’expose à des sanctions financières », rappelle le sociologue Léo Magnin dans son ouvrage.

Pour comprendre ce qui a changé, ce chargé de recherches au CNRS et membre du Laboratoire interdisciplinaire sciences innovations sociétés recense les traces de « requalification » des haies, soit ces situations où les valeurs associées au bocage se sont modifiées. Cela peut être l’adoption d’une définition réglementaire, une nouvelle méthode de cartographie, mais aussi l’expression de l’intérêt d’un paysan pour ces arbres. Léo Magnin s’intéresse tout autant aux dimensions historique, économique et géographique que sociale ou technique, en s’appuyant sur des sources riches et variées (textes de droit, manuels de plantation, romans, observations de terrain, entretiens…).

A partir de tous ces indices, il démontre à quel point le processus d’« écologisation » des haies est complexe, incertain et confus. Il en révèle les paradoxes, voire les contradictions. Aujourd’hui, par exemple, personne ne sait précisément combien de kilomètres de haies la France perd chaque année. Le sociologue rappelle que si le gouvernement a décidé de protéger ces clôtures végétales en 2015, c’est en raison de contraintes budgétaires européennes plus que pour répondre à des impératifs écologiques. La définition même des haies, restrictive, a d’ailleurs été prise pour satisfaire différents intérêts, sans justification environnementale ni scientifique.

Numérisation

L’un des chapitres du livre est particulièrement sidérant : Léo Magnin décrit l’échec de « l’énorme chantier » de la numérisation des haies. A l’heure de la télédétection et de l’automatisation, ce sont souvent des sous-traitants étrangers, travailleurs du clic, qui doivent déterminer si ce qu’ils voient sur leur écran est bien une haie. Outils inadaptés, tâtonnements… Le sociologue compare ce fiasco à celui de la construction du réacteur nucléaire de Flamanville (Manche) : c’est dire ! Pire, cette numérisation s’est effectuée in fine au détriment de l’environnement en créant de nouvelles possibilités de contourner le droit, puisqu’une haie qui n’est pas numérisée n’est pas protégée.

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