mardi, novembre 26

Les élections se gagnent le jour du scrutin. La véritable portée d’une victoire, elle, n’apparaît qu’au fil des débats qui battent leur plein les semaines suivantes. La droite américaine clame que le 5 novembre a vu le triomphe d’une coalition conservatrice ouvrière et multiraciale, et que Donald Trump est le tribun désigné par le peuple pour mettre en œuvre un agenda d’extrême droite.

Nombre d’observateurs adoptent cette vision toute faite pour retomber dans une interprétation qui domine depuis une décennie de part et d’autre de l’Atlantique : nous aurions affaire à un nouveau cas de « révolte populiste » contre les élites. La « vague populiste » – image fétiche des pontifes de la question –, nous répète-t-on, gagne encore en force. Ces analyses ne sont pas seulement faciles, elles sont erronées. Pire, sur le plan politique, elles sont pernicieuses.

Pour commencer, Trump est-il un populiste ? Si l’on considère que le populisme se caractérise par une colère contre l’« establishment », nous avons manifestement un problème : Trump fait lui-même partie d’une élite. Non, le trait caractéristique du populisme n’est pas la méfiance à l’égard des puissants – cette méfiance peut au contraire s’avérer être une vertu démocratique. Le populisme se caractérise plutôt par cela : les populistes prétendent être les seuls représentants de ce qu’ils appellent généralement le « vrai peuple », une expression qu’emploie Trump lorsqu’il s’adresse à ses partisans, le 6 janvier 2021 [lors de l’assaut sur le Capitole].

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Le populisme exclut donc les autres : c’est manifestement le cas dans la politique des partis, où tout autre candidat au pouvoir est déclaré illégitime et corrompu, mais aussi au sein de la population, où toute personne qui s’écarte de cette construction symbolique qu’est le supposé « vrai peuple » est exclue du corps politique.

Le rôle exceptionnel des oligarques

Qui dit populisme ne dit donc pas nécessairement racisme. Mais force est de reconnaître que les deux font bon ménage. Sur ces points, au fil de la campagne, Trump s’est allègrement désinhibé. Avec leurs discours racistes, les républicains séduisent l’électorat blanc depuis le début des années 1960, certes, mais c’est la première fois que l’un des leurs met aussi ouvertement en avant la suprématie blanche.

Du côté du populisme, Trump ne laisse aucun doute sur le fait qu’il considère toute personne qui s’oppose à lui non pas comme un adversaire politique légitime, mais comme un ennemi. Un ennemi du peuple, donc, puisque Trump seul représente le peuple.

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