dimanche, novembre 17

L’affaire a fait grand bruit dans le Landerneau bourguignon. En septembre, le groupe de luxe LVMH, détenu par le milliardaire Bernard Arnault, a déboursé 15,5 millions d’euros pour s’emparer de 1,3 hectare (sur 2 hectares) du domaine Poisot père & fils, à Aloxe-Corton (Côte-d’Or). Les cinq frères et sœurs, dont l’un est exploitant, ont été contraints de vendre pour régler des frais de succession, à la suite du décès d’une tante qui possédait une belle parcelle en appellation romanée-saint-vivant grand cru. Le montant de la transaction payé par LVMH a été fixé par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural de Bourgogne-France-Comté, au vu des prix de vente de ce secteur prestigieux.

« Même si l’exploitant pourra rester sur ses terres jusqu’à la retraite, c’est un joyau familial qui part dans un grand groupe », déplore Thiébault Huber, président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne. Cette spéculation foncière qui pénalise la transmission des domaines viticoles familiaux ne concerne pas que la Bourgogne. Champagne, Bordelais mais aussi certains autres vignobles sont touchés.

« Valeur vénale déconnectée »

« En Champagne, l’hectare de vigne se négocie à 1,2 million d’euros, et 120 hectares changent de main chaque année », illustre ainsi Maxime Toubart, président du Syndicat général des vignerons de la Champagne. « Des investisseurs financiers surenchérissent sur les prix. Ce qui les intéresse, ce ne sont pas les revenus de l’activité, mais la perspective d’une plus-value. La valeur vénale est déconnectée de toute réalité économique. Les maisons se vident. On tue le tissu social de ces régions », explique Jean-Marie Garde, président de la Fédération des grands vins de Bordeaux.

Les vignerons et la Confédération nationale des appellations d’origine contrôlée ont multiplié les opérations de lobbying pour décrocher une réduction de la fiscalité sur la transmission des terres. L’idée étant d’étendre le dispositif du pacte Dutreil destiné aux entreprises, avec un abattement de 75 % sans plafond, au foncier agricole. Aujourd’hui, le principe existe mais avec un plafond de 500 000 euros. Le projet de loi de finances (PLF) 2025 envisageait de le porter à 600 000 euros. Finalement, un amendement a été déposé pour déplafonner la mesure, à condition que le nouveau propriétaire garde les terres au moins quinze ans. « Il a été adopté en séance plénière à l’Assemblée nationale, le samedi 9 novembre », se réjouit M. Huber. Mais le PLF 2025 a été rejeté, dans son intégralité, par les députés, mardi 12 novembre, et doit maintenant passer devant les sénateurs.

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