dimanche, juin 30

C’est le projet phare du gouvernement thaïlandais de Srettha Thavisin, en place depuis août 2023 : relier l’océan Indien au golfe de Thaïlande grâce à un double pont terrestre (routier et rail) traversant l’isthme de Kra, la mince et longue « patte » sud-ouest de la Thaïlande, entre la Birmanie et la péninsule malaise.

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Le coût est estimé à 25 milliards d’euros, avec 2030 pour horizon de complétion. Pour ce faire, des ports en eau profonde seraient aménagés à Ranong, sur sa côte ouest, et à Chumphon, sur la côte orientale. Les conteneurs y seraient déchargés, puis transférés sur des camions ou des trains sur 90 kilomètres avant de subir l’opération inverse sur l’autre rive. Une loi, dite « du couloir économique sud » doit être proposée au dernier trimestre 2024 pour entériner le projet.

L’idée n’est pas nouvelle : il s’agit d’un serpent de mer de l’histoire de la Thaïlande, vieux de plus d’un siècle, qui a toujours échoué à faire consensus. Il a été ressuscité dans les années 2010, quand la Chine a commencé à s’y intéresser – une société chinoise signant même en 2015 un protocole d’accord avec une société montée par des partisans thaïlandais du projet, mais sans l’aval d’aucun des gouvernements.

Quête d’investisseurs

En 2020, le gouvernement issu de la junte militaire lança l’idée de pont terrestre au motif qu’un canal était politiquement inacceptable – car il « sépare » symboliquement le Sud thaïlandais d’ethnie malaise, en proie à une rébellion autonomiste au long cours, et le reste du territoire. L’actuel gouvernement, pro-business, l’a repris à son compte et multiplie les tournées à l’étranger en quête d’investisseurs : la dernière en date, le 10 mai, a vu le ministre des transports thaïlandais exposer les mérites du land bridge à une trentaine de groupes publics chinois à Pékin.

La viabilité économique du mégaprojet reste discutable : le pont ferait économiser entre deux et cinq jours de navigation aux navires qui ensuite remontent vers l’Asie du Nord-Est, selon les experts du gouvernement. Mais d’autres estiment que le coût et le temps nécessaire au double transbordement minimisent, voire annulent tout avantage – sauf en cas de congestion majeure dans le détroit de Malacca.

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C’est là qu’entre en compte le facteur chinois : le land bridge fournit une solution supplémentaire à son « dilemme de Malacca », la crainte de voir le détroit bloqué au niveau de Singapour par les Américains en cas de guerre à Taïwan. C’est même la motivation première des « routes de la soie », le grand projet du président Xi Jinping : aménager des voies terrestres et maritimes alternatives, pour les marchandises et l’énergie, via la Russie et l’Asie centrale (vers l’Europe), la Birmanie (vers l’océan Indien et l’Asie de l’Est) et le reste de l’Asie du Sud-Est.

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