Michel Barnier sera-t-il encore Premier ministre dans les prochains jours? La pression monte sur le locataire de Matignon, sous le coup d’un ultimatum lancé par Marine Le Pen, cheffe de file des députés du Rassemblement national qui a donné « jusqu’à lundi » à Michel Barnier pour qu’il fasse de nouvelles concessions à l’extrême droite.
Mais plusieurs ministres ne croient pas que la triple candidate à l’élection présidentielle ira au bout de sa pensée et déclenchera la censure du gouvernement, estimant qu’elle n’a aucun intérêt à passer à l’action et que son gain politique serait limité.
Le Pen « devra porter la responsabilité de ce qui arrivera »
« Elle a plus intérêt à aller à une présidentielle qu’à des législatives », juge un ministre. « Or, le président ne démissionnera pas. Donc la censure n’est pas dans son intérêt immédiat. » Un interlocuteur régulier du président de la République observe que depuis dix ans, « Marine Le Pen s’est construite une image de dédiabolisation, puis de respectabilité ».
« Voter la censure avec les insoumis et la gauche, c’est a minima rompre avec ce parcours, en prenant le risque d’envoyer la France dans une impasse financière », poursuit ce dernier.
« Si elle appuie sur le bouton, ça va être très très compliqué pour elle après et elle devra porter la responsabilité de ce qui arrivera », menace un membre du gouvernement.
Mais ces considérations entrent-elles seulement en ligne de compte dans la stratégie de Marine Le Pen? « La raison n’est pas son moteur principal », redoute un ministre influent. « Elle résonne plus qu’elle ne raisonne. »
Le Rassemblement national suivrait alors sa base électorale qui réclame massivement une censure du gouvernement, en témoigne encore le sondage d’Elabe pour BFMTV publié ce mercredi. Selon ce dernier, deux tiers des électeurs du RN sont favorables à une censure du gouvernement Barnier. « Moi, je ne sais pas sonder les intentions de Le Pen… Mais qu’est-ce qu’elle a dans la tête? », s’interroge un membre de l’équipe Barnier.
« Le RN, ils vont jouer avec la censure comme le chat avec une souris », prédit un président de groupe. « Mais après tout ce qu’elle a dit, je le la vois pas ne pas appuyer sur le bouton », parie-t-il.
« Depuis le début, je pense qu’on est censuré sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de sécurité sociale », acquiesce un ministre. « Je ne vois pas pourquoi un parti démagogique accepterait un budget qui demande des efforts. »
L’un de ses collègues espère encore arrimer le parti d’extrême droite via une réécriture partielle des textes budgétaires: « Si on ne cède sur rien, on est sûrs de prendre la balle. Et ça coûtera toujours moins cher de lâcher quelques trucs plutôt que de finir l’année sans budget. »
« Le Premier Ministre va-t-il lâcher beaucoup de choses? Ça dépend s’il veut vivre ou mourir », s’amuse un autre. « Le risque, c’est de lâcher sur quelque chose et que le RN dise ensuite ‘ce n’est pas suffisant' », rebondit un membre du gouvernement. Des craintes qui se sont vérifiées: Michel Barnier a renoncé à augmenter les taxes sur l’électricité, une décision saluée par le parti d’extrême droite qui a tout même rappelé que « d’autres lignes rouges demeurent ».
« Le dialogue nécessite que chacun fasse un pas l’un vers l’autre. Et donc il faut connaître la réalité des lignes rouges de chacun. Si vous en rajoutez à chaque fois, c’est sûr que la négociation finit par être biaisée », pose un ministre.
Une chose est sûre: les textes peuvent être réécrits jusqu’à la dernière minute. « Le texte sorti de la Commission mixte paritaire peut encore être amendé », assure un proche de Michel Barnier.
« Jusqu’au dernier moment, il y a un espace de discussion, et donc ça peut être réécrit lundi à la fin de journée. Mais il faut faire le même exercice au Sénat dans les mêmes termes », décrypte un membre du gouvernement. « Et il peut aussi changer le texte lors du 49.3 », précise un autre. Une option largement rejetée par les Français. Selon une enquête « L’Opinion en direct » menée par Elabe pour BFMTV publié ce 23 octobre, 58% des Français jugent qu’il « serait inacceptable que le projet de loi du budget soit adopté par l’article 49.3 et non par un vote du Parlement ».
Article original publié sur BFMTV.com