mardi, juillet 2

Rarement un secteur économique aura autant été associé à une personnalité politique : l’écosystème de la tech française est lié à l’image d’Emmanuel Macron, autoproclamé très tôt candidat puis président de la « start-up nation ». « Une “start-up nation” est une nation où chacun peut se dire qu’il pourra créer une start-up. Je veux que la France en soit une », prophétisait-il en avril 2017, empruntant un slogan parfois employé pour désigner Israël. Pour le secteur numérique, les législatives anticipées avec le Rassemblement national (RN) en tête des sondages sont un choc.

La « start-up nation » se prépare à la fin de l’époque Macron. « Il y a un trauma. On vivait une période très stable. Macron, avec sa dissolution [de l’Assemblée nationale], donne une claque à tout le monde. C’est la fin d’une époque », raconte sous le couvert d’anonymat le fondateur d’une start-up d’intelligence artificielle (IA) croisé à un cocktail de l’association French Tech, le 24 juin. « Partie prenante de la “start-up nation” », cet « archétype de l’électeur de centre gauche », soutien de Macron en 2017 et déçu depuis 2022, craint qu’une alternance remette en cause les mécanismes de soutien financier public mis en place pour la tech depuis 2017.

L’association des start-up France Digitale a publié dans Les Echos une tribune mettant en garde contre « le retour du nationalisme, la tentation des extrêmes ou du repli sur soi ». Et plaide pour le maintien de l’ouverture aux capitaux et aux salariés étrangers. Vladimir Spalaïkovitch, fondateur de la start-up FitSize, raconte ainsi que la dissolution a « tout de suite généré une appréhension, voire une peur chez les développeurs qui travaillent pour nous en “offshoring”, c’est-à-dire en Tunisie ».

« Je sens du pragmatisme »

Alexandre Pham, de MisterTemp, confie avoir organisé une réunion d’« analyse d’impact » du scrutin, s’interrogeant sur l’avenir des 14 % d’étrangers non européens employés dans son réseau d’agences d’intérim franchisées. « Au mieux nous ferons du surplace, au pire nous reculerons », analyse Olivier Martret, de la société de capital-risque Serena Capital, cité par L’Usine digitale.

En parallèle de ce concert d’inquiétudes, on sent aussi dans le secteur de la tech une certaine prudence, voire un attentisme et une résignation à pouvoir s’accommoder du RN, si ce dernier devait gouverner. De nombreux acteurs et lobbys ne souhaitent pas s’exprimer publiquement.

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« Je sens du pragmatisme. Les gens sont déchirés entre leur moi économique et leur moi démocratique : il y a un programme qui est mieux d’un point de vue économique mais qui est problématique démocratiquement », explique anonymement un professionnel de la tech, résumant l’idée – déjà entendue chez des patrons d’autres secteurs – selon laquelle le programme du RN serait préférable pour les entreprises à celui du Nouveau Front populaire et ses « hausses d’impôts ». « Les gens du secteur se disent aussi que la raison du terrain et les garde-fous démocratiques feront peut-être qu’une arrivée du RN ne générerait pas tant de changements que cela », poursuit-il. « Nous sommes plus inquiets de l’arrivée de l’extrême gauche au pouvoir que de celle de l’extrême droite, car le RN est pro-industrie », estime un lobbyiste dans les semi-conducteurs cité par Contexte.

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