Après près de trente ans passés aux Etats-Unis, notamment à la tête du Centre d’immunologie humaine des National Institutes of Health (NIH), l’agence américaine chargée de la recherche médicale et biomédicale, Yasmine Belkaid, 56 ans, a été nommée en janvier à la tête de l’Institut Pasteur. Chercheuse de renommée internationale, dont les travaux portent sur la relation entre les microbes et le système immunitaire, elle est la deuxième femme à occuper cette fonction depuis sa création par Louis Pasteur en 1887.
Je ne serais pas arrivée là si…
… Si je n’avais pas eu mon père, Aboubakr Belkaid. C’était un homme merveilleux qui laissait entendre qu’on pouvait poser des questions sur tout, que rien n’était acquis. Certes, il avait des valeurs, une forte dimension morale, mais avec lui, tout pouvait se discuter. Il m’a appris à regarder le monde avec distance. Sans mon père, je ne serais pas là.
Quel homme était-il ? Que faisait-il ?
Il a été un enfant algérien sous le colonialisme français. Il s’est engagé très jeune dans la guerre, est passé d’une prison à l’autre. Militant de l’indépendance de son pays, il a toujours eu un attachement profond pour la justice, l’égalité, la dignité humaine. Il était généreux et empathique. C’est l’éducation que j’ai reçue : ne pas juger, essayer de comprendre les motivations des autres.
Que vous a-t-il raconté de la colonisation ?
Quand il était à l’école, on lui apprenait « mes ancêtres, les Gaulois ». C’était une vie schizophrène, une dignité fragmentée. Mais ça ne l’a pas cassé. Il a utilisé tout cela comme une force. Mon père ne se plaignait jamais du passé. C’était un optimiste, une force de vie. Pendant la guerre d’Algérie, il est entré dans les mouvements clandestins du Front de libération nationale, il a été un « porteur de valises ».
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